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CONTEXTE DE DéCOUVERTE
Hans
Cappel1
est un archéologue amateur sarrois qui pros-
pecte assidûment depuis de nombreuses années les environs
de Blieskastel dans la Sarre. Plutôt intéressé par la Préhis-
toire, il est l’un des nombreux prospecteurs avec qui le ser-
vice d’archéologie préhistorique du Centre National de Re-
cherche Archéologique est en contact.
À l’occasion d’une prospection sur la hauteur du Osterberg
près de
Blickweiler2
en août 2011, il a découvert à la surface
d’un champ le fragment d’artefact qui fait l’objet de cette no-
tule. Lors d’une réunion de travail en avril 2012, il l’a apporté
à l’auteur qui a sollicité l’avis du Musée de l’Armée de Paris.
D. Prévôt, assistant au département moderne du Musée de
l’Armée, a bien voulu contribuer à l’étude de cet objet.
DESCRIPTION DE L’OBJET
Il s’agit d’un fragment de plaque en céramique très bien cuite
de couleur gris ardoise, grossièrement en forme de pentagone
dans son état actuel. La face inférieure est lisse et légèrement
concave, la face supérieure porte un décor en relief représen-
tant un personnage de trois quart de profil portant une cui-
rasse et une peau animale autour du cou. Toute la périphérie
du fragment est brisée et la forme originale de la plaque ne
peut pas être restituée. Cependant, le reste d’un liseré en bas
de la cuirasse, ainsi que le début de la signature du graveur
(FON...) sur le fragment de bras visible, suggèrent que ne fi-
guraient que le haut du torse et la tête.
Les fractures de l’objet ont amputé le haut du bras droit et
la tête du personnage, ce qui empêche toute identification,
mais on note sur la partie gauche de la cuirasse, au niveau du
cœur, la représentation de la croix de l’ordre du Saint Esprit.
L’Ordre du Saint-Esprit fut créé le 31 décembre 1578 par
Henri III et constitua, pendant les deux siècles et demi de
son existence, l’ordre de chevalerie le plus prestigieux de la
monarchie française. Il fut supprimé à l’avènement de Louis-
Philippe en 1830. Les membres de l’Ordre portaient par-
fois lors des cérémonies la croix appendue à un collier d’or
émaillé, sauf les ecclésiastiques et les grands-chevaliers de
l’ordre qui la portaient en sautoir suspendue à un ruban bleu.
Il existait également une plaque, que l’on portait sur le côté
gauche du vêtement du dessus, entre autre la cuirasse.
INTERPRéTATION ET PROPOSITION DE DATATION
Le port des ordres de chevalerie sur les cuirasses est assez
courant et les portraits de chevaliers de l’Ordre les figurent
souvent porter l’insigne du Saint-Esprit en collier ou en sau-
toir par-dessus la cuirasse. Il ne s’agissait toutefois que d’une
convention de représentation, puisque la fragilité des émaux
et le prix des bijoux contrariaient cette pratique. Certains per-
sonnages portaient toutefois l’ordre du Saint-Esprit gravé sur
le métal de la cuirasse ou sous la forme d’une plaque métal-
lique repoussée et rivetée sur le plastron.
Un autre détail de l’exemplaire de Blickweiler mérite qu’on
s’y attarde. Le personnage représenté porte autour du cou
une peau d’animal, fermée par un cabochon. Cette mode, qui
relève aussi de la convention de représentation, est originaire
d’Europe centrale et orientale. Elle semble s’imposer dans les
portraits de militaires entre 1730 et 1750, période où certains
grands chefs militaires se font portraiturer drapés dans des
peaux de loup ou de léopard. Toutefois, cela ne signifie pas
forcément que ce fragment date de cette époque. Il peut s’agir
Un fragment de plaque en céramique représentant un
chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit découvert à Blickweiler-
« Osterberg » (Ldr. Saarpfalz-Kreis, Sarre, Allemagne)
François Valotteau, avec la participation de Dominique Prévôt et Hans Cappel
1
Nous tenons à chaleureusement remercier Hans Cappel qui nous a signalé cette
découverte et accepté de nous confier cet objet pour étude.
2
Commune de Blieskastel, Landkreis Saarpfalz-Kreis, Sarre, Allemagne.
Coordonnées de la découverte : carte topographique 6709 de Blieskastel, r =
89.825, h = 54.750. Alt. : 335 m.