Full text: Hippolyte Daeye, Oscar Jespers

OSCAR JESPERS 
Je ne compte pas parmi ceux qui s’obsti- 
nent à séparer l'artiste de son art, sous 
prétexte qu'une œuvre, — roman, con- 
certo, tableau ou sculpture, — constitue 
une entité, parfaitement à méme de s'impo- 
ser à nous, sans que nous sachions quoi 
que ce soit de son créateur. Mais, s'il est 
vrai qu'une ceuvre d'art vit sa propre vie, 
indépendamment de son auteur, elle est le 
fruit d'une aventure humaine, le rayonne- 
ment d'une äme et cette histoire-là peut 
étre aussi passionnante, aussi exaltante que 
l'eeuvre. 
C'est pourquoi je ne tiens pas à séparer 
l'homme Oscar Jespers, de son art. Car 
l'artiste et son oeuvre se rejoignent si 
parfaitement qu'on pourrait reconstituer 
l'homme à l’aide de sa sculpture tout 
comme l’on pourrait déduire son art de 
sa personne. André de Ridder, son fi- 
dèle compagnon de lutte et son meilleur 
biographe, l’a dépeint comme suit : 
« ... homme trés naturel, trés franc et très 
indépendant, trés volontaire aussi, volon- 
tiers replié sur soi-même, peu enclin aux 
épanchements, révolutionnaire d'instinct, 
par le fait même rétif à toute convention et 
toute routine...; son esprit, à la fois fort 
sensible et méditatif, spontané et calcula- 
teur…; son cœur qui, tout en répugnant à 
la sensiblerie et au romanesque, n'est pas 
dépourvu de tendresse... » (*). 
Chacun de ces traits de caractere sont 
applicables à sa sculpture comme autant 
de qualités esthétiques. Nous nous trou- 
(*) André de Ridder : « Oscar Jespers ». — De 
Sikkel, Anvers, 1948. — Monographie éditée par 
e Ministère de l'Instruction publique. 
vons , en effet, devant l'art d'un tempera- 
ment puissant, authentique et indépendant, 
constamment sur ses gardes, se tenant un 
peu à l'écart, mais nullement cantonné dans 
une suffisance de solitaire. Au contraire, 
son esprit et son atelier furent de tous 
temps largement ouverts à chaque nouvelle 
tendance, à chaque rénovation, à chaque 
pionnier de l’art contemporain, qu'il s'ap- 
pelat Rik Wouters ou Zadkine, Maillol ou 
Brancussi, la sculpture négre ou la cérami- 
que étrusque, ... le tout nourri de l'éter- 
nelle séve classique. 
C'est un art profondément sérieux, absolu- 
ment dépouillé de toute mollesse aimable; 
un art noble sans grandiloquence, plein de 
retenue et pourtant puissamment expressif. 
La dignité grave et calme, qui marque tout 
son ceuvre et plus spécialement ses figures 
de jeunes filles et de femmes, situe son art 
à mi-chemin entre le spasme dramatique 
de Zadkine et la sérénité méditerra- 
néenne de Maillol. Ce trait fondamental de 
la sculpture de Jespers se maintient à tra- 
vers toute l'évolution de son style. Qu'il 
modèle en larges touches impressionnistes 
ou qu'il taille la pierre en grandes masses 
architecturales, qu'il s'impose la rigueur 
cubiste ou se laisse aller à la libre défor- 
mation expressionniste, toujours et partout 
il reste l'artiste sobre, réfléchi, viril et 
tendre à la fois. De là, le mystére presque 
oriental de certains de ses masques, 
tout illuminés du sourire impénétrable de 
Bouddha. 
Toutefois, cet artiste réfléchi, pondéré et 
raisonneur n’appartient nullement au genre 
cerebral. Bien que son esprit perspicace 
et son erudition dominent constamment le 
probléme plastique et que sa volonté or- 
donnée freine en lui tout emballement gra-
	        
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