5 02 ‘ 2019 museomag
malaise persistant avec les rôles de genre. En effet, plus
proche de l’art contemporain, héritière du Body Art,
la génération de jeunes photographes, plutôt que de
parler de nu, revendique la notion de corps sous toutes
ses représentations, des plus monstrueuses au plus
esthétiques. Dans notre société où la représentation de
soi occupe une place importante et où les images sont
fréquemment l’expression d’un narcissisme clairement
affiché, la photographie devient alors un outil pour
déconstruire et inventer de nouveaux mondes. D‘où
le titre de «Fictions corporelles» – Bodyfiction(s) – que
nous avons choisi pour couvrir un large éventail de
photographies qui abordent principalement le sujet de
la représentation.
À BAS LES CLICHÉS
C’est ainsi que Maisie Cousins s’intéresse particulière-
ment à l’univers de la beauté féminine, à dominante
érotique ou consumériste, pour contester les clichés
habituels sur la féminité et la séduction. Les œuvres
de Juno Calypso se situent dans le prolongement de
celle-ci. Le décor de ces images est celui d’un film noir
alors même que c’est la couleur rose qui domine.
La Japonaise Izumi Miyazaki est proche de l’humour
glacial d’un Alfred Hitchcock. Elle nous propose des
images de jeunes filles à la fois mignonnes et cruelles
dans des situations où elles risquent de perdre la tête
au sens propre comme au figuré. Un univers également
en décalage est celui de Mike Bourscheid : en explorant
tous les registres de la mise en scène, du clownesque
au tragique, l’artiste se prête aux déguisements les plus
absurdes, en jouant sur la scène d’un théâtre fictif les
cowboys mélancoliques ou les anti-héros burlesques.
Dans un autre registre – mais toujours dans un monde
bizarre et en rupture avec la réalité –, les images de
Weronika Gęsicka détournent les photographies des
années 1950 et 1960. Retravaillées par l’artiste, ces
images de familles modèles américaines à caractère
publicitaire se transforment en un monde étrange.
En cela elle est proche de l’Autrichienne Mira Loew
qui représente des jeunes femmes dont la chevelure a
remplacé le visage. Négation du portrait traditionnel,
ces anti-portraits nous apparaissent comme un
mauvais rêve.
Quelques artistes explorent le monde de la mode.
C’est le cas d’Eva Schlegel qui trouve les idées pour
ses œuvres dans les images des magazines de mode le
plus souvent. Elle les re-photographie, brouille le sens,
ne laisse subsister que des silhouettes. Quant à Caro-
line Heider, elle plie manuellement des photographies
de grands photographes – comme les photos de mode
EXPOSITION TEMPORAIRE
de Steichen – tirées de magazines, modifiant ainsi leur
forme, leur contenu et donc leur message. La Suédoise
Eva Stenram reprend avec ironie le thème de la séduc-
tion et du désir en retravaillant les images de pin-up
pour de nouveau cacher l’objet du désir au lieu de le
révéler.
Une approche qui peut ressembler à celle d’Annelie
Vandendael, autre photographe de mode qui produit
des images très colorées teintées par une distanciation
amusée. Dans un genre plus austère, Claudia Huidobro
se met en scène sans laisser voir sa tête et donnant
la parole exclusivement au corps dans un espace nu.
Avec Smith, on entre dans un univers onirique caracté-
risé par la polarisation du corps hésitant entre le genre
masculin ou féminin. Ces images illustrent peut-être
le mieux la nouvelle vision que l’art porte sur le corps
en effaçant ou en brouillant les catégories et les idées
préconçues.
Paul di Felice et Pierre Stiwer (Café-Crème asbl),
organisateurs de EMOPLUX 2019
et commissaires des expositions
L’exposition temporaire «Bodyfiction(s)» sera
à l‘affiche du MNHA du 18 mai au 29 septembre
Vernissage le vendredi 17 mai à 19 heures.
©
éric chenal