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N°II 2025 MuseoMag
PRÊT TEMPORAIRE
émerge à travers la représentation brutale de la
condition humaine. Les figures déformées de ses
œuvres, qu’elles soient portraits ou corps en souf-
france, rappelant des images de crucifixion ou d’ex-
tase mystique, soulignent une quête d’authenticité
dans l’expression des émotions humaines plurielles.
Bien que Francis Bacon, athée virulent, ait souvent
rejeté toute forme de religion traditionnelle, ses
œuvres mettent l’accent sur des thèmes spirituels,
notamment dans leur exploration de la fragilité, de
l’angoisse et de l’isolement, qui prennent une
dimension quasi sacrée. Il est indéniable que Bacon
est un peintre de la contradiction, entre sacré et
profane, entre maîtrise et chaos, entre discipline
et excès. Son œuvre, marquée par la violence, le
mystère et l’instinct, continue d’interroger et de
fasciner.
CRUCIFIXION,
UN AUTOPORTRAIT SYMBOLIQUE
Les prochaines visites thématiques en-
visagées sous cet angle ont pour but
d’apporter un éclairage sur certaines
obsessions de l’artiste relevant du sa-
cré tout en abordant des thèmes tou-
chant à la vanité et à l’impermanence
des choses et des êtres, comme celui
de la Crucifixion que Francis Bacon a
exploré dès 1933. Si le sujet est sacré,
l’artiste se l’est approprié de manière
profane pour en faire une forme d’auto-
portrait symbolique. En effet, fustigé à
l’adolescence par son père en raison de
son homosexualité et de ses ambitions
artistiques, en rupture familiale et au
ban de la société, Francis Bacon fait de
l’image de la crucifixion, l’expression de
la souffrance humaine et de sa propre
angoisse existentielle. Il réalisera par la
suite six autres Crucifixion, la dernière
datée de 1965.
L’autre figure à connotation religieuse
que Bacon a moult fois peinte est celle
du Pape Innocent X par Vélasquez.
En 1954, il réalise Figure with meat où
l’image du pontife devient cauchemar-
desque. La silhouette floue du person-
nage apparaît prisonnière d’une cage
de verre, la bouche est béante dans
un cri silencieux. Les nobles draperies
baroques de Vélasquez sont ici rem-
placées par deux flancs de bœuf. Encadré
par cette carcasse, le pape devient une sorte de
boucher ou bien une victime sacrificielle, entre
bestialité et effroi. C’est toute l’angoisse de l’huma-
nité après les horreurs de la seconde guerre mon-
diale que Bacon veut ici évoquer.
D’autres œuvres puissantes et nihilistes seront
également mises en lumière dans notre approche
thématique comme par exemple Fury de 1944. Là,
l’artiste emprunte à Eschyle la figure des Euménides,
créatures mythologiques chargées de punir sans
relâche les crimes contre la société humaine et les
injustices familiales. Bacon affirmait : « Ma peinture
est le reflet de ma vie ». Ainsi, dans ses œuvres, il
avance main dans la main avec l’humanité entière
vers l’inéluctable.
Nathalie Becker
Ne manquez pas cet éclairage thématique
proposé en français
les 24/04, 19/06 et 27/11 à 18h.
©
La
succession
de
Francis
Bacon,
tous
droits
réservés,
DACS/Artimage.
Photo:
Prudence
Cuming
Associates
Ltd
Francis Bacon, Fury, c. 1944, huile et pastel sur panneau de fibres, 94 x 74 cm,
Private Collection.