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MuseoMag N°I 2025
« Quand je vois aujourd’hui un retour de la peinture sur chevalet, j’y vois un crime de lèse-majesté. »
©
loupio
dolla
Croix (1976), également visible dans notre
accrochage, a fait l’objet d’un don au musée en
2023. Qu’en est-il de sa composition: organique
ou pas ?
Le doute est permis… Cette œuvre fait partie
d’une des dernières de la série. Je m’en suis dé-
tourné après 1977 en raison de son succès – cela
se vendait comme des petits pains – ou bien parce
que j’en avais marre de porter ma croix tous les
matins. C’est un terrain que j’ai laissé en jachère…
En 2023, vous nous apportiez dans un sac cette
œuvre pliée en quatre mais dans un ordre bien
précis. Prônez-vous plutôt le rangement ou
l’accrochage de l’œuvre?
Disons que lorsqu’on plie à partir de la croix, les
plis se marquent sur la toile et il vaut mieux à ce
moment-là la replier à chaque fois de la même
manière. Quand on l’accroche au mur, normale-
ment elle va se détendre par son propre poids, et
les plis vont s’estomper suffisamment mais il res-
tera toujours assez de marques qui sont la trace
de quelque chose, avec une vie propre. Ces plis
donnent à la toile une certaine ondulation qui
à la lumière confère à l’œuvre des ombres parti-
culières. Ces plis-là sont entièrement assumés
en tant que partie intégrante de l’œuvre.
Pour les tarlatanes, il y a toute une série qui
s’appelle «Plis et replis». Celles qui sont enroulées,
je préfère qu’on ne les froisse pas ou les plie n’im-
porte comment. En revanche, on peut toujours, avec
précaution, les repasser au fer à vapeur, avec un
chiffon blanc intermédiaire. Toutes mes tarlatanes
sont repassables, mais il faut faire attention aux
collages.
S’agissant du service après-vente, ce n’est plus de
mon ressort: je ne laisse aucune consigne directe, à
moins d‘être contacté par un restaurateur pour une
question spécifique.
Vous-même, vous revendiquez vos origines
ouvrières, mais le mouvement, bien que foncière-
ment gauchisant, était plutôt étranger à la réalité
de cette condition sociale.
Peu de membres du groupe, à part Pincemin
et moi, appartenaient à ce qu’on peut appeler le
prolétariat. C’est quand même à la base un groupe
d’artistes fils de bourgeois. Mais ça n’empêchait pas
une conscience de classe, une volonté d’engage-
ment très à gauche pré- et post-68. Moi, je suis un
nanard communard, j’ai une bonne connaissance
du marxisme: en bon anarchiste, j’ai lu Proudhon,
«LA PENSÉE DOIT CHEMINER
AU REGARD DE L’ŒUVRE»