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MuseoMag N°III 2024
«Photoreporter dans les anciennes colonies au lendemain du 25 avril, j’assiste alors à un authentique drame en raison du
prolongement de la guerre du régime antérieur.»
pas eu lieu. Le 25 avril est un jour mémorable qui
va déterminer toute ma carrière et sur le plan per-
sonnel, m’emplir d’une joie immense puisqu’il va
nous permettre de vivre enfin en démocratie. C’est
une journée de travail que je vis dans une effusion
enthousiaste et dans un rythme de travail soutenu.
J’ignorais si la journée allait connaître une issue
heureuse ou non, mais j’avais la certitude qu’il fallait
tout couvrir.
Vous dites que la Révolution était programmée
pour le 29 avril: d’où provenait cette information?
Il y avait des échanges entre les rédactions et les
militaires, non pas avec moi directement car j’étais
jeune stagiaire mais ces échanges existaient.
À votre retour du terrain, le célèbre portrait
de Salgueiro Maia est pourtant écarté par la
rédaction O Século. Comment expliquer son
caractère emblématique aujourd’hui?
Cette image a été, disons, ignorée à l’époque: elle
n’a simplement pas eu la faveur de la rédaction au
motif que rien ne se passait sur cette image. A pos-
teriori, je comprends ce choix car jusqu’à cette date,
personne ne savait qui était Salgueiro Maia. C’est
un militaire qui ce jour-là endosse un rôle politique
capital mais qui en dehors du 25 avril poursuit une
carrière militaire banale. Donc parler de lui et de son
rôle 50 ans plus tard est très différent que de parve-
nir à subodorer à chaud son importance le jour des
événements.
Soit dit en passant, bien que héros de la Révolution
des Œillets, il a été très injustement traité: les uns
l’ont condamné pour avoir joué un rôle-vedette pour
avoir été aux avant-postes, les autres – certains de
ses pairs – l’ont critiqué pour avoir déclenché le
coup d’Etat. Il s’est même vu refuser une pension de
militaire par un ancien président de la République
en la personne de Cavaco Silva, qui ne s’est pas
gêné de l’accorder à des anciens agents de la PIDE.
Salgueiro Maia a subi une déconsidération énorme.
En le photographiant, avez-vous conscience de
construire la légende d’un héros?
Sur le terrain, il m’interpelle d’emblée, voyant que
je cherche à photographier en catimini. Il me signale
qu’un tel comportement est imprudent et que je
risque de passer pour suspect. Il insiste pour que je
fasse mon travail de manière visible et transparente
«LE 25 AVRIL EST LE JOUR QUI A
DÉTERMINÉ MA CARRIÈRE»
©
alfredo
cunha,
spa 2024