25 04 ‘ 2020 museomag
RESTAURATION
«UN GROS TOILETTAGE S’IMPOSE»
Depuis le 12 mai donc, date à laquelle le musée a rou-
vert ses portes, Simone Habaru a regagné son poste et
travaille patiemment sur un tableau colossal - de deux
mètres de haut sur un mètre et demi de large - intitulé
«Saint Antoine visitant Saint Paul l’Ermite», une scène
biblique largement représentée en peinture. Il s’agit ici
d’une œuvre anonyme datant du 17e siècle, qui s’ins-
crit dans la tradition de l’École espagnole. «C’est un
tableau qui me procure beaucoup de plaisir parce qu’il
est passionnant à dé-couvrir. Certes, il n’est attribué à
aucun peintre connu mais la qualité picturale est re-
marquable. Une fois bichonné, il ne manquera pas de
rehausser notre collection d’art ancien», relève notre
restauratrice.
Mais le chemin jusqu’aux salles d’exposition du MNHA
est encore long. L’œuvre est arrivée dans un état
plus critique que prévu: «un gros toilettage s’impose»,
n’hésite pas à dire Simone Habaru. En cause: un vernis
oxydé qui nuit à la lecture de l’œuvre, différentes
couches de vernis dont un de type résineux, retouches
et surpeints. Bref, il va falloir «dégager tout ça». Sans
parler du châssis qui présente quelques cassures, et
une présence de vers. Enfin, le revers de la toile laisse
apparaître par endroits de suspicieuses doublures;
«mais l’œuvre est bien tendue», fait valoir Simone
Habaru.
CES INSOUPÇONNÉS SACHETS
DE GEL SILICE
Première étape de la mise au net: l’anoxie du tableau,
soit un traitement par privation d’oxygène. L’œuvre est
emballée sous vide pendant 8 semaines pour venir
à bout des vers; des capteurs et des sachets de gel
silice sont insérés pour éviter la condensation. «Ce
traitement, très courant, est inoffensif pour le tableau».
Des sachets de gel silice? «Oui, les mêmes que l’on re-
trouve dans certains de nos achats acheminés par la
poste: c’est très efficace et ça se régénère en les repas-
sant au four…» Épatant!
Ensuite, quelques constats sont annotés dans le rap-
port scientifique établi avant la restauration, comme les
empiècements à l’arrière, les bords coupés et le mastic
latéral. Tout est consigné dans un document de tra-
vail qui retrace l’intervention, «laquelle doit être – règle
d’or du métier – toujours réversible», insiste Simone
Habaru, tout en déplorant que sa profession ne soit
toujours pas reconnue et dûment protégée. «Cela ne
s’improvise pas, restaurateur: c’est un métier si com-
plexe, qui requiert un certain sens de la déontologie
et beaucoup d’expérience et d’échanges avec des pro-
fessionnels du domaine muséal et artistique. Certains
pensent pouvoir nettoyer une toile sans conséquence
et dégagent parfois irréversiblement la signature avec
la salissure.»
OUVRIR DES FENÊTRES TEST
Le tableau est de toute évidence jauni: le «décras-
sage» est d’abord effectué par touches progressives
au moyen d’une éponge imbibée d’eau distillée. Puis,
le nettoyage s’approfondit sur base des fenêtres-test
confiées à Muriel Prieur, restauratrice spécialisée en
polychromie. «Les suspicions de surpeint sont évi-
dentes. Ma collègue Muriel, très sûre de son geste,
aura eu pour mission de gratter les différentes couches
picturales rajoutées pour s’assurer jusqu’où poursuivre
le dégagement.» Masque spécifique, gants de travail
et hotte d’extraction activée sont de rigueur tant le
produit utilisé lors de cette opération est nocif. Il faut
débarrasser le tableau de retouches anciennes, élimi-
ner au scalpel les opérations de masticage et de colles
anciennes. Il faudra ensuite mastiquer et retoucher les