18 museomag 03 ‘ 2020
PATRICK SAYTOUR AU FËSCHMAART:
UN CAS UNIQUE
ÉCHANGE AVEC BERNARD CEYSSON, GRAND SPÉCIALISTE DE SUPPORTS/SURFACES
ET FLORENCE RECKINGER, PRÉSIDENTE DES AMIS DES MUSÉES LUXEMBOURG
Bernard Ceysson: «Les exigences éthiques de Patrick Saytour n’étaient pas si j’ose dire de surface.»
©
éric
chenal
ainsi mis en exergue afin de privilégier une «saisie» for-
maliste» de l’œuvre du genre «ce que vous voyez n’est
que ce que vous voyez», est revendiqué par les artistes,
américains et français importants de ce «moment».
Il n’en reste pas moins que leurs exigences politiques
compliquent la contextualisation de leur travail, de
leur pratique et de leur théorie.
Mise à la verticale, dressée, une telle «toile» suggé-
rerait la trace imprégnée dans sa texture, son texte,
d’une figure effacée: la présence d’une absence? Celle
souscrivant à ce passage du sacré au politique et du
politique au philosophique? On n’en sort pas dans l’art
d’Occident. La figure effacée, c’est celle qui marquait de
son impresa la Vera iconica. Remise, comme il se doit,
dans son horizontalité programmée et affirmée, cette
toile, tel un drap, tel un linceul, fait ostension, dans une
prétérition imagée, de la figure absente et de la pein-
ture, mise à nu comme peinture et rien d’autre, qu’en
elle-même, elle s’expose.
Parlez-nous de la très longue carrière de Patrick
Saytour (sa position marginale, critique, voire
ironique au sein du groupe), votre ami de longue
date?
Patrick s’est toujours voulu à la marge, regardant le
système avec ironie, une ironie critique, mais non for-
mulée, manifestée par son écart délibéré des exigences
du «système». Ses exigences éthiques n’étaient pas si
j’ose dire de surface. Il l’a démontré dans son enseigne-
ment auquel il s’est voué avec une détermination qui
a marqué ses étudiants. Il a négligé comme l’on dit
sa carrière et s’est toujours arrangé, lorsqu’il exposait,
pour déranger. Aucun souci du marché. Vendre, ne pas
vendre, ce n’était pas son problème. C’en était parfois
très agaçant. Quand, devenu galeriste, avec François et
Loïc, nous avons entrepris de faire reconnaître l’impor-
tance de son travail, il a accepté, par amitié, avec une
bienveillance amusée. Mais, depuis quelques années,
il a compris, admis, la nécessité, elle aussi, éthique,
qu’exige son œuvre – qu’elle lui oblige – d’être mise