38 museomag 02 ‘ 2018
DE CHEVALIERS, DÉMONS ET
DOIGTS DE FÉE …
OPÉRATION « ISSUE DE SECOURS » AU CHÂTEAU DE SANEM
©
éric
chenal
Grâce à une intervention collective rondement menée, deux grands tableaux mal conservés au château de Sanem ont pu échapper à
un sort funeste.
Faites silence, faites silence, c’est la queue du chat qui
danse, quand le chat a dansé, que le coq a chanté, le
silence est arrivé et mon histoire peut commencer.
Il était un fois deux preux chevaliers du 17e siècle qui
avaient été rendus immortels par un peintre portrai-
tiste en les représentant en pleine monture sur leurs
destriers. Les aléas de l’histoire les ont menés au châ-
teau de Sanem où, trop encombrants pour descendre
par l’escalier, trop grands et fragiles pour être évacués
par une fenêtre de l’étage, ils semblaient condamnés
à hanter les couloirs, prisonniers à jamais de quelque
sort qu’une sorcière farceuse aurait jeté pour rapetisser
les issues. Le temps ayant œuvré, craquelures, soulève-
ments et pertes de matière picturales interdisaient de
rouler les toiles pour un déménagement en sécurité.
Les chevaliers risquaient de s’écailler et de se disperser
aux quatre vents à la sortie de leur demeure.
C’était sans compter sur l’Administration des Bâti-
ments publics qui, pour les sauver, proposa au Musée
national d’histoire et d’art de les reprendre dans ses
collections. Fixage préalable était la formule magique
de la restauratrice de peintures, hâtée au secours des
demandeurs. Mais où puiser la force pour intervenir
sur deux œuvres de quasiment 3 mètres sur 2,5 en un
temps record? Comme dans chaque conte, notre hé-
roïne principale s’est vue épauler par des compagnons
de parcours: régisseur, restaurateurs de sculpture, de
métal, de céramique et d’objets archéologiques, me-
nuisier et déménageurs, photographe et conservateur,
tous se sont mobilisés pour relever le défi et braver
l’adversité.
Sortir de leur zone de confort, apprendre de nou-
velles techniques, travailler à même le sol dans des
conditions difficiles, augmenter la cadence tout en
restant minutieux, tel serait leur rite initiatique. Le pé-
riple fut jalonné d’embûches : chauffage défectueux
menaçant de refroidir les ardeurs, tempête de neige
contrariant l’accès au château, porche trop petit pour le
passage du camion, peinture de démon attendant au
tournant d’un couloir …
COURAGE, PERSÉVÉRANCE
ET SOLIDARITÉ
Un pour tous et tous pour un : dans la bonne humeur,
les intervenants aux doigts de fée ont appliqué et in-
filtré entre la couche picturale et le support toile, de la
gélatine à traves de fins papiers de chanvre, carré après
carré. Progressivement, toutes les écailles de peinture