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par cette peuplade qu’ils considéraient comme étant particu-
lièrement belliqueuse. C’est d’ailleurs précisément le bouclier
de Feudenheim que choisit un archéologue du Reichsbund
für Deutsche Vorgeschichte, Paul-Hans Stemmermann, pour il-
lustrer un article consacré à la mainmise des Suèves sur le
sud-ouest de l’Allemagne. L’auteur y développe une théorie
particulièrement farfelue et toute imprégnée d’idéologie : il
considère que les invasions germaniques (et notamment celle
des Suèves) ne correspondent pas à des poussées désordon-
nées de populations, mais plutôt à une colonisation à grande
échelle programmée à l’avance et de manière systématique !
Il conclut donc : « Nous voyons ici le destin éternel du peu-
ple allemand, ce peuple sans espace vital, qui se tisse déjà à
la Préhistoire la plus ancienne » (Stemmermann 1936). L’ar-
chéologie permet ainsi de légitimer les visées expansionnistes
du
IIIe
Reich. Le bouclier de Feudenheim a dans ce contexte
une valeur de symbole : outre l’insigne du WHW à échelle
réduite, il est d’ailleurs également reproduit grandeur nature
à la même époque par l’atelier du musée de Mayence, spé-
cialisé dans les fac-similés d’artefacts « germaniques » dans
lesquels l’armement prédomine pour les raisons évoquées
plus haut (Toepfer 1940, p. 52). La trouvaille de Hersberg
est donc beaucoup moins anecdotique qu’il peut y paraître
au premier abord, car derrière un objet en apparence insigni-
fiant se cache un contenu idéologique trés fort : que ce soit en
Moselle, en Alsace ou au Luxembourg, ces petits insignes à
thème archéologique participaient en effet à l’effort nazi de
germaniser les territoires annexés.<
fig. 4 Insigne du WHW représentant
un bouclier suève stylisé découvert
à Hersberg-« Bourlach » (© MNHA).