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Empreintes
2010
était perturbé par la frontalité et le surdimensionnement des
images.
Plutôt que de jouer sur l’identification, les sentimentalités
et les profondeurs psychologiques du portrait, les photogra-
phies de Valérie Belin et de Marie-Jo Lafontaine dégagent
une distanciation critique par rapport à la nature ontolo-
gique de la photographie qui ici ne se réduit pas à l’enregis-
trement du réel. Certains éléments (les fonds colorés dans
Babylone Babies, les arabesques dans les Mariées marocaines,
les contrastes…) fonctionnent comme une sorte de mise en
abîme formelle où le spectateur ne peut s’approcher qu’en
participant à la construction de la représentation.
C’est que l’expérience esthétique, face à ces photographies
imposantes, va au-delà des préoccupations liées traditionnel-
lement au portrait. D’un côté, les images nous font plonger
dans une sorte « d’entre espace » et « d’entre temporalité » ; de
l’autre, comme chez Moreau et Gonnord, elles provoquent
un déplacement sémantique à travers la mise en scène, res-
pectivement ironique ou auratique de modèles issus de l’his-
toire de l’art.
En 2006, l’exposition « Un tableau peut en cacher un autre »
au MNHA avait effleuré les questions du modèle en mon-
trant les enjeux de la photographie dans le discours de l’ico-
nicité et en dégageant les spécificités photographiques face à
la peinture. En 2009, l’exposition Modèles modèles ? a permis
d’approfondir le regard croisé sur le réel et sa représentation à
travers des positions photographiques contemporaines, certes
différentes entre elles, mais liées par le même souci de faire de
ces portraits des images pensives.