9
Empreintes
2010
Seconde datation (adulte)
Une datation sur os (fragment de côte) a été réalisée dans le
même laboratoire et selon la même technique en 2005 pour
l'individu adulte. Elle indique une mesure à 4310 +/- 50 BP,
soit après calibration à 2 σ : 3020 à 2880 avant J.-C. (Beta-
210-190).
Ces datations attestent de l’ancienneté des sépultures, les
situant chronologiquement au Néolithique : l'enfant aurait
vécu à la transition du Néolithique moyen et du Néolithique
récent, l'adulte au Néolithique final. Il est intéressant de
noter que ces périodes sont illustrées à Diekirch, détectées
entre autre lors des fouilles du Deechensgaart au bord de la
Sûre (Le Brun-Ricalens 1993). On serait donc en présence de
deux sépultures distinctes, néanmoins retrouvées au même
endroit. L'état de surface des ossements, similaires pour les
deux squelettes, semble exclure un mélange entre deux séries
dans les dépôts du musée. Loin d'éclaircir le sujet, la datation
des ossements pose de nouvelles questions.
LE DEIWELSELTER : QU'EN PENSER EN DEFINITIVE ?
Hormis des descriptions de ruines ainsi que quelques illustra-
tions du
XIXe
siècle, plus ou moins sujettes à caution (fig. 2),
les seuls témoins archéologiques dont on dispose sont les os-
sements humains découverts lors des travaux de 1892. Ce-
pendant, ces derniers sont incomplets et fragmentés, ce qui a
compliqué l'étude anthropologique. Néanmoins, elle n'a pas
été vaine et on dispose, plus d'un siècle après la découverte
des ossements, d'informations complémentaires concernant
le nombre d'individus et leur âge.
La fouille archéologique réalisée en 2004 a mis en évidence
l'absence de structures architectoniques conservées qui au-
raient permis d'expliciter la nature du Deiwelselter. Il se peut
que cela soit dû à l'ampleur des destructions occasionnées
par le chantier de 1892, mais il est possible également que
de telles structures n'aient jamais existé. On peut s'étonner
par exemple que, dans l'hypothèse d'une construction méga-
lithique, d'éventuelles structures associées aux ruines (fosses
de calage et calages de pierres, parements, dallages…) n'aient
pas été observées par les ouvriers, alors qu'ils ont repéré les
ossements humains, trois tessons de poterie grossière et de
petits ossements d'oiseau (Glaesener 1895). On peut aussi
rappeler que le Dr Glaesener signale la similitude d'aspect
entre les ruines du Deiwelselter et les amas rocheux naturels
que l'on peut encore voir de nos jours à l'est du site. Cepen-
dant, les deux géologues associés à cette étude (S. Philippo,
MNHN, et H.-G. Naton) considèrent comme quasiment
impossible la formation par éboulement d'un amas rocheux
composé de blocs standardisés à cet endroit du versant. Rap-
pelons enfin les propos du Dr Glaesener : "Ce déblai achevé,
l'on put se rendre compte qu'on avait sous les yeux, non pas
un amas fortuit de rochers naturels, mais probablement les
débris d'une construction élevée par la main de l'homme"
(Glaesener 1895 : p. 324).
Que conclure alors sur le Deiwelselter ? Si on fait abstraction
de tout postulat et qu'on s'en tient aux faits archéologiques,
il reste un bloc rocheux qui recouvrait deux inhumations sé-
parées d'un écart chronologique d'un millénaire. Comment
expliquer que les deux individus aient été retrouvés au même
endroit ? L'hypothèse d'une sépulture collective ayant fonc-
tionné mille ans semble difficilement soutenable, mais si la
première sépulture a été aménagée dans un chaos rocheux
naturel, ou dans un monument funéraire de type indéterminé,
il a pu se produire une réutilisation un millénaire plus tard.
On peut aussi avoir le cas de figure contraire : un monument
funéraire mégalithique est construit au
IIIe
millénaire avant
notre ère à l'emplacement de la première sépulture, pertur-
bant cette dernière, ce qui explique le faible nombre de restes.
On pourrait ainsi s'interroger sur un possible syncrétisme
de la vocation funéraire du versant de la Haard, en opposi-
tion au fond de la vallée de la Sûre à vocation plutôt domes-
tique, comme l'attestent les différents témoins d'occupations
néolithiques découverts lors des fouilles du Deechensgaart
(Bis-Worch et al. 1992 ; Le Brun-Ricalens 1993). Quant au
Deiwelselter en lui-même, il semble pour l'instant impossible
d'en préciser la nature.<