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musclés), aux antipodes de celle, efféminée, de notre Héra-
clès. Enfin et surtout, sa massue est tournée vers le sol, alors
qu’elle est brandie sur notre statuette qui représente donc
Héraclès dans la position du combattant. Cette position, ac-
cordée à la jeunesse du héros, est de très loin la plus fréquente
dans la petite statuaire en bronze qui lui est consacrée, mais
nous n’avons rencontré aucun exemple où elle est combinée
avec la fonction paternelle. Quant à Télèphe, habituellement
il n’est pas la réplique miniature d’Héraclès, mais il a la tête
ronde, le corps potelé et les membres courts d’un bébé. Il
n’est pas représenté de face, mais regarde son père auquel il
tend les bras, sauf si la biche qui l’a nourri est présente dans
la composition, auquel cas c’est vers elle qu’il se tourne. Ja-
mais il n’a la posture qu’il adopte sur notre statuette – bras
gauche levé, avant-bras fléchi, tête légèrement inclinée vers la
main posée sur elle – et qui est d’une femme (là encore, voir
la Vénus de
Schandel 6),
plutôt que d’un homme ou d’un en-
fant. Jamais il ne domine Héraclès comme il le fait sur notre
figurine (qui semble anticiper le motif du « porte-Christ »…),
à cause de la disproportion des tailles s’ajoutant à la curieuse
horizontalité du bras porteur. Peu courante quant au sujet, la
figurine du Titelberg est donc exceptionnelle du point de vue
de sa composition.
Et énigmatique quant à sa vraie nature ! En effet, la profonde
rainure qui entaille le dos d’Héraclès de bas en haut, incline
à identifier la figurine avec un manche de couteau pliant
(fig. 1b). Sans être vraiment communs, ces objets ne sont pas
rares et présentent une grande diversité des matériaux et des
sujets. Les manches en métal côtoient ceux en os (de loin
les plus
nombreux 7)
ou en ivoire, les représentations ani-
males - des scènes de chasse où un chien poursuit un lièvre
notamment – concurrencent les figures anthropomorphes où
domine le thème
érotique 8.
Le MNHA possède un très bel
exemplaire de ce dernier, trouvé à Dalheim (fig. 4a), ainsi que,
beaucoup plus accordé à notre sujet, un couteau pliant qui
met en scène Héraclès étouffant le lion de Némée, malheu-
reusement sans provenance connue (fig. 5). Mais ces manches,
aussi ouvragés soient-ils, sont raisonnablement fonctionnels
en s’inscrivant peu ou prou dans un parallélépipède rectangle
qui permet la préhension. Souvent même, ils adoptent un
profil plat (fig. 4b), voire une forme cylindrique, en tout cas
aucun ne présente les saillies de la figurine du Titelberg, dont
la forme tourmentée, ainsi que la présence d’un départ de
tenon – ce n’est pas un reste de jet de coulée - sur l’arrière de
la cuisse gauche d’Héraclès, donnent nettement l’impression
qu’il s’agissait d’une statuette à l’origine. Toutefois, les traces
résiduelles de
vitrification 9
au fond de la rainure, prouvent
que celle-ci n’a pas été pratiquée a posteriori. On peut donc
supposer que le moule a été travaillé pour transformer une
simple statuette, en manche de couteau. Mais il n’est pas cer-
tain pour autant, que la fabrication du couteau ait eu lieu (ce
ne serait pas le premier exemplaire inachevé ou
trompeur 10).
Sur la plupart des manches anthropomorphes en effet, la fi-
gure repose sur un petit socle quadrangulaire et fendu, dans
lequel est insérée la soie de la lame en fer et que traverse une
Fig. 2 Figurine d’Héraclès portant Télèphe, détails : a) tête d’Héraclès (à gauche), b) tête de Télèphe (à droite)
(photos C. Gaeng)