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APPRoCHE DESCRIPTIVE
1. Description techno-typologique
Il s’agit d’un grand fragment de plaquette en silex de forme
losangique (cassures fraîches et anciennes) portant une re-
touche bifaciale alternante continue sur un bord (fig. 3 et 4).
Les deux faces corticales présentent d’importantes traces de
polissage pour atténuer par abrasion les aspérités du cortex,
peut-être pour faciliter l’emmanchement et/ou les actions de
coupe. Ce polissage n’a apparemment pas été effectué dans le
but de faciliter un détachement de retouches parallèles enva-
hissantes par pression comme on peut l’observer également
à la fin du Néolithique sur des couteaux gerzéens d’égypte
prédyna stique (Kelterborn, 1984) et des poignards et faucilles
scandinaves en silex balte (Stafford, 2003), ce polissage n’étant
pas indispensable comme le montrent les faucilles sur pla-
quettes en silex oligocène de Salinelles (Gard, France [Briois,
1991]) ou encore les grandes faucilles en silex d’Ozarow en
Pologne (Budziszewski, 1980).
2. Nature du matériau
Le matériau employé est un silex gris-brun à zonations beige-
clair en plaquette de faible épaisseur. D’après les observations
macroscopiques du cortex assez régulier, de la texture, de la
structure et de la couleur du silex (fig. 5 et 6), l’artefact exa-
miné présente toutes les caractéristiques des silex zonés en
plaquette originaires du Sud-Ouest de l’Allemagne, situés en
Basse et Haute Bavière, en rive gauche du Danube au sud de
la région de Regensburg, près de Kelheim (fig. 8).
Ces variétés siliceuses appartiennent géologiquement aux
formations du Tithonien et du Malm de l’étage jurassique
(www.flintsource.net). D’après les critères dimensionnels, le
type de zonation et le type de cortex, la matière première dans
laquelle est façonné l’exemplaire recueilli à Lintgen se rappro-
cherait du type Arnhofen (Engelhardt, 1984 ; Engelhardt et
Binsteiner, 1988 ; Rind et Roth, 1997). Il rappelle également
le type Baiersdorf (Binsteiner, 1989 ; informations orales
H. Löhr, I. Koch et G. Roth), ainsi que celui de Eichstätt
(Tillmann, 1988), ces trois types de bayerischen Plattenhorn
steinen se rencontrant dans la même région (Moser, 1978).
DIAGNoSE ET ATTRIBUTIoN CHRoNo-CULTURELLE :
UNE FAUCILLE DE TyPE ALTHEIM ?
D’un point de vue typologique, cet artefact évoque par sa
morphologie les grandes lames de faucilles et de poignards
larges produits au Néolithique récent et final dans la région
située au sud de la Bavière orientale. L’artefact relevé à
Lintgen, bien que fragmenté, évoque par ses amples propor-
tions les grandes lames de faucille en forme de demi-lune à
dos arqué (fig. 7), parfois appelées dans la littérature «faucille
de type Altheim» (Altheimer Sichelklinge). Ces outils techno-
logiquement investis (Féblot-Augustins, 1997) ont été pro-
duits en Bavière essentiellement à partir de la fin de la culture
de Münchshöfen avec le développement du groupe/culture
d’Altheim (Altheimer Gruppe/Kultur) entre 3800 et 3400 ans
av. J.-C. (Driehaus, 1960). à cette période, ces lames de fau-
cilles de grandes dimensions (15-20 cm de longueur) circulent
sur de longues distances (plusieurs centaines de kilomètres),
tant vers l’Est, en remontant le Danube jusqu’en Autriche
(Trnka et al., 2001 ; Trnka, 2004), que vers l’Ouest (Moser,
1978), le Sud (Binsteiner, 2005) et le Nord (Werben et Wulf,
1992 ; Binsteiner, 2000 et 2004).
à l’échelle de l’Europe et du Luxembourg, il existe d’autres
artefacts technologiquement investis qui circulent sur de
longs trajets, comme les lames de haches en roches vertes
alpines (jadéite, serpentinite, éclogite, etc.) (e.a. Pétrequin et
Pétrequin, 1993 ; D’Amico et al., 1995 et 2003 ; Löhr et al.
1997), les haches perforées (Grisse, 2006), ou encore les lames
de poignards en silex turonien du Grand-Pressigny (Delcourt
et Le Brun-Ricalens, 1995) ou tertiaire zoné champenois
(Le Brun-Ricalens et Thill, 1996).
D’un point de vue chronologique, de tels manuports se ren-
contrent jusqu’à la fin du
IIIe
millénaire avec la culture des
Gobelets campaniformes. Ils attestent l’existence de réseaux
de diffusion organisés qui présentent, en fonction des pro-
duits et matériaux considérés, des modes de gestion continus
ou discontinus dans l’espace (Valotteau et al., sous presse).
Concernant l’exemplaire de Lintgen trouvé hors stratigra-
phie, il est difficile, en l’état actuel de la documentation,
de préciser plus son attribution chrono-culturelle. On peut
avancer une fourchette de datation comprise entre 4000 et
2000 ans av. J.-C., c’est-à-dire pour les périodes allant du
Michelsberg au Campaniforme.