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Mise au jour en 2004 sur l’oppidum du
Titelberg 1,
la figurine
de bronze en fonte pleine (MNHA, inv. 2004-24/33) a une
hauteur conservée de 6,8 cm (fig. 1a). Elle présente une patine
verte dont la rugosité, perceptible à l’œil nu et au toucher,
apparaît nettement au binoculaire. La patine a disparu par
endroits, laissant apparaître des traces de corrosion qui vont
du rouille au lie de vin.
Les deux personnages mis en scène sont nus. Le plus grand
est en appui sur sa jambe droite légèrement portée en arrière
à laquelle manque le pied ; le membre inférieur gauche, dont
seule la cuisse est conservée, est infléchi et porté en avant. Le
bras droit est levé à l’horizontale dans le prolongement de
l’épaule, l’avant-bras plié perpendiculairement vers le haut ;
la main, dont les doigts sont esquissés, brandit une massue
lisse. Le bras gauche est également levé presque à l’horizon-
tale dans le prolongement de l’épaule, l’avant-bras plié vers
l’avant dans le même plan ; la main est traitée plus sommaire-
ment que la droite, des cinq doigts, seul le pouce est indiqué.
Le second personnage, miniature du premier, est assis dans
le creux du coude gauche de ce dernier, sa cuisse gauche re-
pose sur son avant-bras, la jambe n’est pas conservée. Son
membre inférieur droit auquel manque le pied, pend dans
le vide. Son buste penche légèrement vers l’arrière. Son bras
gauche est levé et plié pour que sa main repose sur sa tête, son
bras droit est également levé, coude en appui sur la tête du
grand personnage, main posée sur l’extrémité de la massue
de ce dernier.
Les deux personnages ont les mêmes caractéristiques phy-
siques. Leur chevelure est composée de boucles épaisses en
volutes, qui forment une couronne recouvrant les oreilles ;
huit d’entre elles sont disposées symétriquement de part et
d’autre de la tête et se rejoignent dans la nuque, les deux
boucles frontales s’affrontent et sont surmontées d’une
boucle centrée en forme de lunule. Les arcades sourcilières
sont saillantes et se prolongent pour dessiner un nez assez
plat. Les yeux en amandes, nantis d’une pupille creuse, sont
tombants, légèrement chez l’un, plus nettement chez l’autre.
La bouche ronde, aux lèvres dessinées, est entrouverte. Les
pommettes sont rondes, le menton un peu proéminent (fig. 2a
et b). (De prime abord, les visages et surtout la coiffure, rap-
pellent ceux d’une divinité imberbe trouvée dans l’enceinte
du temple gallo-romain de
Steinsel 2,
mais à y regarder de
près, la ressemblance n’est qu’apparente, les yeux de cette
dernière n’ont pas de pupille et ses mèches ondulées feston-
nent sur le front au lieu de se voluter). Le buste très étroit, aux
épaules frêles, est doté de seins dont les mamelons sont indi-
qués par des cercles bossués. Le nombril n’est pas dessiné sur
le ventre légèrement bombé, les hanches sont rondes, les plis
inguinaux bien marqués, de même que la verge et la toison
pubienne. Le cou puissant du grand personnage et les sexes,
sont masculins et contrastent avec les corps, dont l’étroitesse
des épaules et du buste, la rondeur des seins, le galbe des
hanches et la sveltesse de la jambe sont d’une silhouette fé-
minine (le corps du plus grand notamment, rappelle énormé-
ment celui de la Vénus de
Schandel 3).
Le groupe représente Héraclès (Hercule) – reconnaissable à
sa massue - portant son fils Télèphe, un sujet peu traité dans
l’abondante iconographie du héros antique (néanmoins, le
mythe de Télèphe est déjà présent au MNHA avec une pierre
sculptée provenant
d'Arlon 4).
Le LIMC 5 notamment, n’a re-
censé qu’une dizaine de figurations - monnaies et intailles
comprises – dont la définition des personnages et la composi-
tion diffèrent radicalement de celles de notre statuette, comme
le montre par exemple, un grand marbre romain conservé au
Louvre (fig. 3). En effet, dans son rôle de père, Héraclès est re-
présenté barbu parce qu’il est à l’âge d’homme, alors qu’il est
glabre donc jeune sur notre effigie. Il est aussi nanti de la dé-
pouille du lion de Némée en plus de la massue, et doté d’une
musculature…herculéenne (larges épaules, buste puissant
aux pectoraux et abdominaux nettement dessinés, membres
Héraclès et Télèphe.
Un bronze énigmatique du Titelberg
Catherine Gaeng
1
Fouille J. Metzler, section d’archéologie protohistorique, MNHA.
2
Wilhelm 1975, p. 12 n°18, ill. p. 46 ; Krier et Weiller 1982, p. 257, fig. 4 p. 265
3
Krier 2008.
4
Wilhelm 1974, p. 40 n°281, ill. p. 124-125.
5
strauss et Heres 1994.