«LES GRECS D’AMERIQUE»
Malgré le précieux héritage que nous ont légué les Mayas et l'importance des richesses archéolo-
giques que nous leur devons, on ne parvient pas à saisir, à comprendre entiérement la culture de
ce peuple. De méme que pour d'autres civilisations précolombiennes que le Mexique ancien vit
éclore, s'épanouir et disparaitre, le mystère qui enveloppe la civilisation maya n'est pas encore
éclairci.
Il est generalement admis aujourd’hui que les premiers habitants d’Amerique arriverent d’Asie
par le détroit de Behring. Le chapelet des iles Aléoutiennes dans l'Océan Pacifique, fut également
un pont offert à des migrations incessantes. Et ce n'est plus une simple hypothése de travail que
de compter parmi les premiers occupants du Nouveau Monde de hardis navigateurs venus
d'Océanie et d'Indonésie.
L’homme americain, en effet, n’est pas autochtone, mais les civilisations precolombiennes le sont,
et parmi elles la civilisation maya. Ce fut la plus brillante peut-étre, la plus avancée de toutes et
c'est ce qui a valu à ses représentants le surnom de «Grecs d'Amérique» (Morley, 1947).
Les Mayas occupaient le sud-est du Mexique et une partie de l'Amérique centrale. Leur civilisation
fleurit de l'an 1000 av. J.-C. jusqu'à l'an 1500 de notre ére. Ils furent un peuple de bátisseurs et
d'artistes. Ils se distinguérent dans les mathématiques et l'astronomie. Chez eux le zéro était en
usage bien avant qu'il ne füt connu des Européens. Les calculs qui leur avaient permis d'établir
un calendrier solaire de 365 jours plus une fraction, devancaient en date et en prévision ceux qui
ont servi de base au calendrier grégorien.
Les Mayas écrivaient au moyen d'hiéroglyphes. Leur art est multiple, parfois complexe, souvent
réaliste, avec de temps à autre une tendance abstraite, monumental, exubérant, à vocation ba-
roque. Outre les stéles sculptées ou peintes, les chac-mooles et les masques, les jeux de pelote et
les observatoires, les peintures murales, les temples, ils nous ont laissé une céramique façonnée
avec délicatesse, raffinée et expressive. Nous en avons un exemple éclatant dans la collection que
Manuel Barbachano Ponce a rassemblée avec tout l’amour qu’il porte à son terroir et la passion
qu’il éprouve pour l’art, collection présentée aujourd'hui au Musée d'Histoire et d'Art de Lu-
xembourg.
Les statuettes de l'ile de Jaina que nous pouvons voir ici, présentent le caractére particulier d'étre
toutes petites et en méme temps majestueuses. Elles mettent en relief, de la méme maniére que les
vases et les plats décorés, la maitrise de ceux qui les ont réalisées et la liberté créatrice de ceux qui
les ont congues. Nous avons là une des expressions caractéristiques d'un peuple intelligent et
raffiné.
Les Mayas ne se bornérent pas à édifier des villes sacrées harmonieuses et imposantes; ils surent
aussi modeler des morceaux d'art d'une finesse et d'une élégance extrémes, objets minuscules et
éloquents qui nous aident à mieux comprendre leur civilisation. Un certain nombre de piéces
de la collection Barbachano semblent dégager encore, aprés plusieurs siécles, un étrange pouvoir
magique et le souffle poétique méme qui les inspira.
Arturo Garcia Formenti