L'art maya est l'euvre d'un grand peuple. Nous ignorons les noms des artistes
individuels qui l'ont créé. Par contre, nous reconnaissons dans ces formes pro-
digieuses le génie, la sensibilité, les aspirations, probablement les angoisses, et
sans aucun doute le souvenir et l'image de toute une culture.
Comment prétendre alors que ces œuvres tout à fait anonymes, que ces œuvres
créées par et pour la communauté, puissent porter le nom d’un collectionneur?
S1 celui-ci aime en vérité ce qu'il a réuni, il sait que sa possession en est transi-
toire. Le collectionneur cherche, récupére, commande et n'ignore pas le plaisir
légitime de sa quéte. Mais il sait que si sa fonction est nécessaire, elle est en
méme temps passagére. Pendant un moment, il a été le dépositaire d'un héritage
qui n'est pas le sien: il a été le gardien éphémére d'un trésor spirituel de son
peuple. Il a peut-être sauvé quelques œuvres de l’oubli, de la destruction maté-
rielle ainsi que de cette forme déguisée de la destruction qui est la fuite de notre
patrimoine culturel à l’étranger. Mais, finalement, il sait que ces œuvres doivent
revenir aux veux, aux mains et à l’esprit de ceux qui les ont créées.
En remerciant les Musées d'avoir exposé une partie d'une collection qui est en
cours de formation, je désire affirmer que le destinataire réel de ces œuvres est
ce peuple méme qui les a imaginées et leur a donné forme et que ma décision est
de léguer à mes compatriotes la collection compléte que je parviendrai à réunir.
Souhaitons qu'à travers cet art, le Yucatán puisse à la fois se souvenir de sa
grandeur originelle, se reconnaitre dans ce qui le solidarise et le définit, se pro-
filer sur un futur qu'il désire et mérite et aussi, trouve dans les formes du passé
les motifs d'un orgueil du présent et d'une foi toujours plus grande dans le futur.
Manuel Barbachano Ponce