spécialisation fait par une ville dont les Musées cherchent, dans d'autres
domaines également, à présenter des ensembles de caractére exceptionnel.
Depuis l'exposition de la Nature Morte au Musée de l'Orangerie,
en 1952, et le livre fondamental que put alors éditer son organisateur
Charles Sterling, la notion de l'importance de ce thème a pénétré dans tous
les milieux cultivés.
Le terme de JVature morte n'était pas connu des générations qui ont
assisté à l'épanouissement du genre, au début du XVIIe siècle. Selon les
objets représentés, l'Italie parlait de cose naturali, les Pays-Bas de banquetjes,
PEspagne de bodegones, c'est-à-dire de garde-manger. En France l'expres-
sion de « vie coye» se rencontre en 1649 ; pour l’Alsacien Stoskopff, son
ancien éléve et premier biographe Joachim von Sandrart emploie le terme
de Stllstehende Sachen. Mais dans les pays germaniques et en Angleterre,
C'est l'expression « vie silencieuse ou immobile » qui va bientót prédominer :
stilleven en hollandais, Stilleben en allemand, still-life en anglais. Le terme
de « nature morte » apparaît en France à l’époque où Chardin allait préci-
sément insuffler aux objets inanimés la plus intense vie intérieure. Le terme
est donc plutôt mal choisi, mais à tel point entré dans les mœurs qu’il serait
difficile à détrôner en faveur d’un autre.
Pratiquée dès l’antiquité grecque et romaine, la figuration de choses
inanimées participant à la vie de tous les jours eut des hauts et des bas,
correspondant plus ou moins au degré d’humanisme des civilisations suc-
cessives.
Les Grecs anciens avaient coutume d'offrir à leurs hôtes un xenion,
un tableautin figurant des mets, des fruits ou des fleurs. La nature morte a
été affectionnée des Romains, en fresque ou en mosaique, dans le décor
de leur habitation. Au Moyen áge elle est à peu prés inconnue. C'est dans les
panneaux peints du XV? siécle, avec le retour d'une vision plus réaliste,
qu'elle refait son apparition, mais toujours intégrée à une composition
religieuse, plus rarement à un portrait, genre qui prend son importance
également à l'orée des temps modernes. Quelques natures mortes autonomes
font leur apparition au revers de portraits ou de sujets profanes : ce sont
les premiéres « Vanités », sous forme de tétes de mort destinées à rappeler
aux hommes la fragilité des plaisirs de ce monde.
C’est l’Italie du XVe siècle qui, redécouvrant l'emploi décoratif qu'en
avaient fait les Romains, usa de compositions d’objets inanimés pour orner
des boiseries marquetées.
Et c’est l’Italien Jacopo de Barbari qui peignit en Allemagne, en
1504, cette perdrix et ces gantelets accrochés à un clou, qui est sans doute
la plus ancienne nature morte autonome de caractère profane. Avec le
Caravage, initiateur d’une réalité nouvelle, populaire, la fin du siècle
connaît le premier triomphe d’un genre qui allait faire école dans
l’Europe entière.
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