Full text: Natures mortes du Musée des Beaux-Arts de Strasbourg

On est en droit de se demander en quelle proportion le peintre stras- 
bourgeois est partie donnante ou recevante dans le groupe des specialistes 
parisiens : certaines similitudes sont troublantes, telle sa nature morte à la 
fiasque, au verre et à la miche de pain (Haug. 1948, p. 43, fig. 8) qui, de 
mesures à peu prés égales, pourrait presque étre le pendant du Dessert de 
gaufrettes de Baugin, récemment entré au Louvre et que Charles Sterling 
a pu dire le chef-d’œuvre de la nature morte française du XVII® siècle. 
Comme Jacques Linard, comme Louise Moillon, dont les premières 
œuvres sont encore de structure compliquée, Stoskopff, dans le milieu 
parisien, épure sa composition et atteint cet esprit dépouillé qui fait de la 
nature morte francaise de 1630 à 1640 le reflet d'un certain esprit du temps, 
qu'il soit protestant ou janséniste. 
De retour à Strasbourg, en 1641, le peintre entre dans un milieu 
d’orfèvres, et — s’il avait jusque-là été un maître de la transparence du verre 
— il y ajoute l’éclat des orfèvreries, avec une note mystérieuse qu’on a pu 
traiter de faustienne (1). 
C'est autour de l'oeuvre reconstitué de cet artiste tout à la fois alsacien, 
français et allemand, que s’est, depuis 1930, peu à peu groupée la collection 
de natures mortes du Musée de Strasbourg. 
Hormis quelques Flamands et Hollandais (Kalf, de Heem, Kessel, 
Huysum), acquis entre 1890 et 1900 par Wilhelm Bode, alors chargé de faire 
les achats du Musée, la collection n’offrait guère d’exemples du genre. Après 
quelques tableaux modernes entrés depuis 1918 : un Braque, un Gauguin 
légué par Raymond Kœchlin, quelques autres contemporains, ce furent 
à partir de 1930 trois œuvres de Stoskopff trouvées sur le marché inter- 
national et, outre cela, un Linard, un Vallayer-Coster et quelques anonymes 
de qualité. 
Puis, au cours de la guerre de 1940 à 1944, pendant l’occupation alle- 
mande, une série d’acquisitions fut faite par le directeur intérimaire des 
Musées de Strasbourg, le Docteur Kurt Martin, dans l’intention même de 
continuer une tradition instaurée. On doit à cet homme, qui a su mener 
les destinées des collections alsaciennes en une période particulièrement 
difficile, alors que le Conservateur était expulsé, des enrichissements dans 
tous les domaines, pour lesquels, à cette occasion, nous tenons à lui exprimer 
une fois de plus notre amicale gratitude. 
Depuis lors, la collection a continué à combler ses lacunes, tant par 
des acquisitions et des dons que grâce à des dépôts permanents consentis 
par la Direction des Musées de France. Nous adressons l’expression de notre 
reconnaissance à celle-ci, pour la compréhension apportée à un essai de 
(1) Charles STERLING. Cat. de l’Exp. Les Peintres de la Réalité. Paris 1934, Intro- 
duction, p. XLI. 
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