On ne naissait pas, le 6 aoüt 1894, dans une famille ouvriére de
Tournai, cadet de cinq enfants, sans probléme. Et dés son plus jeune
àge, incontestablement, le socialiste Lacasse fut profondément et
définitivement marqué par le labeur, la misère, la difficulté de vivre. Il
fut marqué aussi — et c’est ce qui compte lorsqu’on parle du peintre
— par les formes et les couleurs de la carrière.
En 1905, en effet, il était plombeur de sacs aux carriéres de
Lange. Et s’il suivit parallèlement des cours du soir, s’il peignit, apprit
la lettre et l’imitation du bois et du marbre, ce fut pour échapper à un
métier exténuant en en pratiquant un autre, sans doute moins dur.
Mais ce fut aussi — aucune explication ne convient mieux — pour
s'exprimer: de là ces premiéres compositions, des Cailloux, qui
s'échelonnent entre 1909 et 1912, qui font suite à des aquarelles sur le
théme des fleurs et du Jardin, et qui sont tout à fait abstraites sans que
leur auteur en soit bien conscient. Pour lui, il s'agissait simplement de
«rendre les formes et les couleurs» de ces cailloux.
Mais c'est là que le phénoméne de créativité se manifeste le plus
purement. En renonçant, dans sa vision propre, à l’anecdote natura-
liste, Lacasse fut du coup l’un des premiers à peindre une beauté
imprévue par le seul moyen de l'áme et par une intuition d'ordre