Full text: Raoul Ubac

L'on songe d'abord à un éloge du gris, à une exaltation de cette puissance 
merveilleuse, capable de l'univers des couleurs. Ce n'est pas sans profondeur que 
l'on parle de griser une image. L'on songe aussi à telle heure crépusculaire, à tel 
instant trés précis s'inscrivant au coeur des pierres des villes. Et comme la considé- 
ration de l'immédiat demeure la plus fructueuse qui soit, l'on pourrait imaginer que 
Raoul UBAC tente principalement d'atteindre à je ne sais quel maximum de densité 
des choses familiéres, poussant jusqu'à sa limite leur pouvoir hallucinatoire. Une 
étoffe de métal, un pain de pierre, au regard de cette maison de brouillard, de ce 
fantöme ... 
Paul Nouge, Situation de Raoul UBAC, 29 mai 1944 
Cette lumiére intérieure de l'ardoise, ces grandes plages silencieuses, ce halo 
de lune autour de formes rudes et simplifiées, et soudain un éclat sourd, violent: 
ce n'est pas le hasard qui lui a fait — à cóté de la peinture — choisir l'ardoise pour 
s'exprimer. Il y a entre eux plus encore qu'une amitié ou une affinité. Ils sont sortis 
de la méme terre. Ils se ressemblent. Comme sa peinture lui ressemble. C'est un 
homme bien enraciné. 
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S'il se consent artisan — plus aisément que Rimbaud ne se consentait paysan — 
C'est pour mieux préserver en lui ce poids de réalité qui équilibre le poids du réve, 
balance son goût secret pour le merveilleux, l’insolite. 
Un artisan de la terre qui arpente son sol à longues foulées, connait le poids 
du vent, de l'ombre, des pierres, reconnait, soupése au passage les formes utiles. 
Ainsi traversa-t-il sans trop s'égratigner le fourré surréaliste oü tant d'autres, con- 
fortablement, s'assoupirent. 
Que l'art ait toujours été pour lui un témoignage d'ordre moral, non un instru- 
ment de délectation, explique aussi, en partie, qu'il se soit jeté, il y a vingt ans, dans 
le surréalisme. «Comme on entre en religion.» Mais sa profonde inquiétude méta- 
physique ne pouvait se satisfaire de tant de gentils sortiléges. 
De son grand pas paysan, il a écarté ces fleurs étranges, finalement trop délec- 
tables. Et la nuit oü il aime à se perdre, d'instinct, c'est la grande nuit végétale, 
minérale de sa forét de l'Est, non «ces ténèbres inventées».
	        
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