19 03 ‘ 2021 museomag
COLLECTIONS
graphiques. Loin des yeux de leurs experts, quelques-
uns de ces objets tendent à sombrer dans un long
sommeil, duquel ils sont occasionnellement arrachés.
UN BAS-RELIEF QUI A DU PROFIL
Il y a quelque temps, en vue de la réalisation d’une
importante exposition en Chine sur le Luxembourg
prévue l’année prochaine, le personnel scientifique
du MNHA a eu pour mission de dresser une liste de
pièces de choix – de préférence tridimensionnelles et
narratives – permettant d’illustrer l’histoire du pays.
Vu les dimensions de l’espace d’exposition propo-
sé par le Henan Museum, certains objets devaient
de surcroît avoir un caractère monumental. L’atten-
tion des responsables de la section Arts décoratifs
et populaires s’est alors portée sur un bas-relief en
faïence fine, conservé par le MNHA depuis 1992.
Jusque-là, le bas-relief emballé dans six caisses en
bois avait été stocké par le ministère de l’Économie.
L’œuvre leur semble d’autant plus intrigante que le
musée ne disposait que de rares informations à son
sujet, n’en connaissant même pas les mesures exactes.
Seul précieux indice: une carte de Nouvel An, égale-
ment conservée dans la collection des Arts décoratifs et
populaires, présentant ce bas-relief comme ornemen-
tation d’une salle de conférence de la Chambre
de Commerce à Luxembourg. Cette carte permet
d’éclaircir à la fois le sujet représenté et l’auteur de
l’œuvre: c’est l’artiste luxembourgeoise Nina Grach-
Jascinsky (1903-1983), originaire de Bessarabie (au-
jourd’hui partie de la Moldavie), qui l’aurait réalisée avec
la faïencerie de Septfontaines. Autre pièce à l’appui:
une photo prise en 1968 lors d’une conférence de
presse à la Chambre de Commerce laisse deviner
l’envergure de l’œuvre qui assemblée dépasse la taille
humaine.
UNE PIÈCE EMBLÉMATIQUE
Que représente ce bas-relief? On y voit Mercure, le
dieu du commerce dans la mythologie romaine, trô-
nant au-dessus de la ville de Luxembourg, entouré par
les différentes professions exercées au Grand-Duché:
les artisans, les ouvriers et mineurs tout comme les
paysans et viticulteurs sont accompagnés, à gauche,
de Vulcain, le dieu du feu, de la forge et des forge-
rons. À droite, on distingue Proserpine, la déesse du
printemps: son culte est associé à celui de sa mère
Ceres, la déesse de l’Agriculture et des Moissons.
Tout comme les commanditaires du bas-relief au milieu
du 20e siècle, les organisateurs de l’exposition en Chine
sont persuadés que cette œuvre d’art est tout indiquée
pour illustrer le développement économique et com-
mercial du Luxembourg à une période donnée. Cette
pièce magistrale, qui investit la Chambre de Commerce
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, reflète
la fierté d’un petit pays indépendant et enfin libre: n’ou-
blions pas que cette chambre professionnelle venait
à peine de retrouver son fonctionnement d’avant l’oc-
cupation nazie. Par ailleurs, le bas-relief illustre la ful-
gurante industrialisation d’une nation jadis agricole et
artisanale, suite à l’essor de la sidérurgie au 19e siècle.
Enfin, l’association de figures de la mythologie romaine
et de la cathédrale de Notre-Dame de Luxembourg au
cœur d’un seul et même objet d’art pourrait être parti-
culièrement évocatrice aux yeux d’un public asiatique.
En plus de revêtir ce caractère historique et culturel, le
relief est fait d’un matériau traditionnel de la région,
la faïence fine: celle-ci est en effet produite par l’en-
treprise Villeroy & Boch dont la manufacture luxem-
bourgeoise avait atteint dans l’entre-deux-guerres une
nouvelle apogée avec sa production Art déco. Bref,
autant d’éléments sont réunis pour faire de ce bas-
relief un candidat de choix à l’expédition en Chine.