allument de vives et courtes flammes sur le rougeoiement de ce feu
contenu et assourdi. De méme la surface du tableau, les plans colorés
s’animent d’angles aigus comme des lances. L'oeuvre, la plus raison-
nable comme la plus libre, y gagne une ferveur inimitable.
Cette oeuvre a connu depuis quarante ans des fortunes diverses,
tantót considérée comme d'un précurseur, saluée de grandes recom-
penses, puis injustement méconnue, presque oubliée. Pourtant elle
s'est développée avec une grande rigueur, fidéle à son évolution
naturelle, nuancée, patiente, avec une force de persuasion, une
insistance jamais appuyée, gardant toujours son unité de ton. Peut-
étre, de cette discrétion, de cette noblesse un peu secréte, de cette
gravité, résultait parfois pour le spectateur une certaine lassitude.
Chastel a poursuivi son chemin, indifférent aux penchants de la mode,
sans se soucier jamais d'actualité à tout prix. Il a su pratiquer le
silence et l’ascèse. Mais lorsque son oeuvre reparaissait à la lumière,
dans une des rares expositions (mais soigneusement préparées et com-
bien significatives) qui ont jalonné son évolution, chacun pouvait
alors mesurer quel chemin avait été parcouru par l'artiste, quel appro-
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fondissement de sa sensibilité, quel allégement des servitudes de la
matiére en étaient résultés.
Chastel est ainsi un des rares peintres qui fassent vraiment le
pont entre les meilleures lecons du passe proche (les cubistes, Matisse)