Revoil et Richard sont les eleves de David, mais le Romantisme les attire, aussi
délaissent-ils les grandes tartines éloquentes des héros de l'Antiquité et de
l'Empire, pour peindre, avec une minutie économe, une sécheresse mélancolique,
les personnages des romans d'Ossian, princesses à hennins et chevaliers à ar-
mures, qui vont substituer, aux scénes mythologiques et historiques, ces reconsti-
tutions moyenágeuses, assez pitoyables, du style troubadour, dont ils sont les
protagonistes.
Avec Guichard le ton se hausse. Le Romantisme, sans atteindre /es orages tant
désirés par le Marquis de Cháteaubriand, ni les passions qui entrainent la fin de
Sardanapale, exprime, par le truchement du peintre, le réve d'amour, la timidité et
l'ingénuité ardente de l'àme lyonnaise.
Prompt à s'élancer, l'éléve de Delacroix et d'Ingres hésite et regrette, jusqu'au
jour oü, enfin lui-méme, il ose créer de savoureuses toiles, aux intentions plus
modestes, empreintes d'une audacieuse modernité.
Paul Chenavard, l'ami et le confident de Delacroix, est également un beau peintre.
Eclipsé par le génie de son maitre, il sait parfois s'en dégager et utiliser ses
lecons, pour entreprendre des compositions aux luminosités soyeuses, prétextes
apparents de ses songes, reflets du monde secret et hélas ! dompté qu'il portait
en lui.
Mais le caractère du génie lyonnais est plus fortement accusé dans la peinture
religieuse, explique Henri Focillon. Lyon est la ville du préraphélisme français et
quand on y réfléchit, c'est là et non ailleurs qu’il devait fleurir.
Mystique, ascétique, repliée sur elle-même, contradictoire et ardente, /a cité bigote
et marchande participe aux influences proches de la mer latine. Le Catholicisme
triomphant a fait de son archevêque le Primat des Gaules, mais combien de sectes
secrètes, de groupes spirites, d’églises agnostiques, apportent au milieu du XIXe siè-
le, à la ville de Balanche et de Blanc de Saint-Bonnet, secouée par les premières
révolutions ouvrières croix-roussiennes, de 1831 et de 1834, cet idéalisme mystérieux,
si fortement prisé, plus tard, par J. K. Huysmans.
Orsel, Janmot, Hippolyte Flandrin, ceux que l'on peut appeler les préraphaélites
lyonnais, selon les propos de René Jullian, sont des ingristes. Pourtant ils semblent
se rapprocher davantage des Nazaréens d'Overbeck que du peintre de /'Odalisque
et du Bain turc.
Semblables aux petits maitres germaniques, ils travaillent pour les églises et, un
peu comme Hahneman, l'inventeur de l'homéopathie, détourné par pudeur chagrine
de tout contact avec notre frére corps, ils s'écartent souvent de l'éclatante sug-
gestion de leurs beaux modéles, pour se laisser guider par des souvenirs, toujours
chastes, dans le silence de leur atelier assimilé à la sacristie ou au cloitre.
Orsel, dont I'ltalienne a inspiré à Picasso une interprétation fantaisiste et heureuse,
n'a pas les faveurs de Focillon, qui relève dans son œuvre une indigence francis-
caine de matière et de couleurs, une suavité triste.
Janmot, auteur d'un ensemble de toiles dédiées au Poème de l’âme, considéré
par René Jullian comme /a suite la plus étonnante de peinture spiritualiste qu'ait
produit le génie francais, se situe parmi les ancétres, encore non reconnus, du
Surréalisme.