Avant-propos
Stigmates indelebiles, les mots de Baudelaire proférés à l'égard de l'activité
artistique lyonnaise, auraient dü créer à la métropole rhodanienne un complexe
d'infériorité si le qualificatif de « bagne de la peinture», attribué à la ville des
fleuves, par le grand critique, avait traduit, dans la pensée du poéte, autre chose
qu'un mouvement d'humeur ou un argument polémique.
Pour René Jullian, auquel on doit tant d'études exhaustives sur l'Art à Lyon,
l'opinion de Baudelaire tend à dénoncer la patiente médiocrité de la technique,
substituée à la spontanéité du génie ; surtout elle méconnait /es aspects les plus
intéressants de la peinture lyonnaise, qui, d'ailleurs, faut-il le dire à la décharge
du critique, préférait souvent l'ombre discréte de la brumeuse ville, à l'éclat des
Salons parisiens.
En France, il est, en effet, indispensable d'avoir toujours présent à la mémoire,
l'état de dépendance auquel la province est soumise par l'autorité, d'ailleurs indis-
cutable, de Paris.
Aussi, s'il apparait injuste de considérer le jugement de Baudelaire comme le
coup de cravache du colonialiste, irrité de voir l'indigéne exprimer l'esprit de sa
race, il importe de ne jamais perdre de vue le chauvinisme du Parisien, irrité
par l'activité de ceux qui essaient de vivre en Province et d'y maintenir, malgré
d'infinies difficultés, les droits de l'expression artistique.
Toutefois, rappelons-le, puisqu'/ n'est bon bec que de Paris, ne soyons pas
surpris de voir le provincial, face au langage de son temps, à l'écoute de son
style, se tourner vers les rives de la Seine et demander à la Capitale quelques
régles de son écriture.
David, Ingres, Corot, Delacroix, l'Ecole de Barbizon revivent à travers les ceuvres
de nos peintres. Cependant, leurs accents trés particuliers apportent au Davidisme,
à l'ingrisme, au Romantisme, au paysage français, une note singulière, une inter-
prétation différente, capable de « former un groupe à part, sinon une Ecole » selon
l'affirmation d'Henri Focillon.
Ce groupe, du reste, manifeste peu d'options communes, si ce n’est, comme l’a
constaté le regretté témoin de la Vie des Formes, .ancien Conservateur du Musée
de Lyon, celle que leur dicte /a fidélité à leur ville, à ses habitudes morales et
à son esprit.
Aucune doctrine ne les unit très solidement, sur le plan technique, leur métier est
souvent emprunté aux écoles parisiennes, soumis, il est vrai, à cette espèce de
sagesse lyonnaise, indispensable à pratiquer si l’on veut obtenir la clientèle des
puissantes fabriques de soie et répondre aux désirs d’une opinion bourgeoise
prudente et guindée.