Volltext: Maîtres lyonnais du XIXe siècle

logique interne, la cohesion que l’on retrouve dans celui de certains dessins de 
Giacometti et des jardins interieurs de Paul Klee. 
Vernay est plus oriente vers les satisfactions du dialogue. Extraverti, par rapport 
à Carrand, si douloureusement replié sur lui-méme, il posséde l'élégance, la 
séduction, la luxuriance, le far-presto des Vénitiens. Comme eux, il éprouve une 
joie, toute sensuelle. à puiser dans l'immédiat la satisfaction de ses désirs. 
Bohéme, il fréquente les petits bistrots lyonnais, fleurant bon le beaujolais et la 
cochonnaille. 
Epicurien, il traduit, avec l'éclat de Manet, témoin du promenoir des Folies Bergeres, 
la somptuosité des étoffes, le reflet mouillé des bouteilles, la pulpe charnue d'un 
fruit, la somptuosité opulente des fleurs. 
Ses natures-mortes, ses bouquets, ses branches de cerisiers arrachées aux jar- 
dinets de banlieues traduisent le choix d'une époque, l'instant de détente oü 
Dionysos permet au faune d'éterniser son émerveillement jamais rassasié. 
Plus tard, lorsque les années se seront accumulées. les dessins de Vernay tradui- 
ront une subjectivité plus indépendante ; loin de son modéle, un peu semblable à 
Van Gogh, il saura traduire l’inquiétante aventure du poète. 
Une génération — presque vingt années — sépare Jacques Martin de ses trois 
compéres. Eléve de l'Ecole Centrale Lyonnaise, directeur de l'Usine des Produits 
chimique Coignet, cet amateur éclairé porte témoignage de l'effort accompli par 
un homme trahi par sa position sociale, obligé de faire appel aux forces de l'art 
pour obtenir des compensations nécessaires. 
Peintre et musicien — il fut un violoniste recherché — Jacques Martin suit les 
traces de Vernay, mais au lieu de fréquenter les cabarets, il hante les salons de la 
haute bourgeoisie lyonnaise, non point pour y échanger les banalités traditionnelles 
mais pour y découvrir les modéles sensibles à la séduction naturelle de l'ingénieur- 
artiste. 
Peintre de la Femme, Jacques Martin oppose au métier glacé des préraphaélites 
et à la précision de Meissonnier, la sensualité, la vigueur, l'émotion d'un métier 
proche de celui de son ami Renoir. 
Comme le chantre des Baigneuses, il a su merveilleusement honorer le corps tant 
désiré de la femme, composer un hymne courageux à la vénusté. 
On saura s'en rendre compte à travers toutes les ceuvres présentées, oü s'unissent 
et s'opposent aussi bien les travaux de d'Aligny, de Montlevault, d'Appian, de 
Baudin et de quelques autres, l'art lyonnais traduit, avec infiniment de diversité, 
la complexité et la variété de l'àme lyonnaise. 
Comme beaucoup d'expressions provinciales, et même nationales, du XIXe siècle, 
celle qui caractérise, semble-t-il, les peintres de Lyon participe aux grands courants 
guidés par les créateurs de Paris. 
Toutefois, et c'est là, à n'en pas douter, un de ses titres de gloire, sur le plan 
artistique, comme dans tous les autres domaines, la cité lyonnaise ne s'est jamais 
contentée des róles d'épigones ni des servitudes académiques. 
Fidéle à son génie et à sa mission, Lyon, encore et toujours, demeure fidéle à sa 
devise : En avant Lion le meilleur 
Rene DEROUDILLE.
	        
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