les livres, dont il peuple ses scénes d'intimité ; et c'est de la méme facon
à mi-voix, pourrait-on dire, voire méme à bouche fermée, avec la même
hantise de discrétion et de justesse. Rien de petit, toutefois, rien de timide
dans ces ouvrages. Leur volonté d'architecture suffirait à leur faire éviter
ces dangers. Ce n'est pas en vain non plus que leur auteur, dans sa jeunesse,
s'est mesuré avec la BACCHANALE A LA JOUEUSE DE LUTH de Poussin.
Quel que soit le chromatisme qu'il adopte, divers et assez intense vers 1943-
1946, plus sur et plus étouffé par la suite — toujours s'affirme le désir d'une
construction rigoureuse : construction des formes, construction, davantage
encore, du tableau, dont les lignes de force sont soulignées avec insistance.
Généralement verticales, parfois légèrement obliques, toujours parallèles,
elles confèrent de ce fait à la composition une solidité et une grandeur,
une gravité dont l'INTÉRIEUR JAUNE de 1950 est un exemple fort réussi.
Puis, Le Moal semble moins se regarder lui-même et promener davan-
tage ses yeux sur une nature plus vaste, plus grandiose, plus riche de forces
envoûtantes. Peut-être la découverte qu'il fit des montagnes de l'Ardèche,
en 1957, a-t-elle joué dans cette évolution un rôle déterminant. Tout se
passe, en effet, comme si, à avoir scruté de ses regards ces plateaux infinis
et à avoir interrogé ces roches venues du fond des âges et portant comme
l'empreinte des catastrophes géologiques, Le Moal avait alors pris ou repris
conscience des puissances telluriques, qui vont désormais se déchaîner dans sa
peinture, en compagnie de celles, essentielles, du monde : le vent, l'eau, les
saisons. Déchainement singuliérement discipliné, du reste. En bon Francais