ainsi dire continuellement. Mais ce ne sont plus des hommes quı se
combattent, ce sont des puissances, je dirais des puissances cosmiques,
si l'on n'avait pas trop abusé de ce terme. En tout cas, ce sont les
puissances de la lumiere et celles de l'ombre, celles des ténèbres. Si
le combat se situe sur le plan spirituel, il rappelle aussi le domaine de
la nature, et l’on pense tantôt aux luttes qui se livrent dans un ciel
à l’approche d’un orage, tantôt aux rayons du soleil qui percent la
pénombre touffue ou l’obscurité d’un sous-bois. Par rapport aux toiles
de 1958, la lumière est devenue à la fois plus immatérielle et plus
violente. Ses assauts sont impétueux, elle attaque sur des fronts diffe-
rents, avec des armes diverses. Elle égratigne les ombres, les déchire,
les écartèle — et se blesse en même temps. Ici, elle frissonne dans les
blancs et les jaunes; là, elle triomphe dans les rouges; ailleurs, elle
vibre avec inquiétude dans les mauves, les ocres, les demi-teintes. Le
rôle de ces dernières est d’ailleurs considérable : non seulement, elles
« étoffent » la composition, elles lui donnent aussi sa gravité et aug-
mentent sa profondeur.
Ainsi, Bertholle nous propose aujourd’hui une orchestration poly-
phonique, un art qui est plein de fougue et de heurts, mais qui n’a
rien d’effréné, car quelle que soit l’impatience des forces qui s’y
affrontent, l’artiste les domine et les soumet résolument à l’ordre du
tableau.
Joseph-Emile MULLER