Comme tous les peintres de sa génération, Jean Bertholle a com-
mencé par travailler dans la maniere figurative. Aujourd'hui encore,
il dessine d’après nature et, que son modèle soit un arbre ou un nu,
il lui accorde une attention qui peut surprendre quand on regarde
ses toiles et ses gouaches. C’est que, pour lui comme pour Klee, le
dialogue avec la nature est une « conditio sine qua non »; il est le
moyen d'enraciner son art dans la vie, de le relier toujours à ses
sources, de le prémunir contre l'artificiel, le « cérébral ».
Ceci dit, il faut reconnaitre que la distance est grande entre les
ceuvres qu'il a peintes à ses débuts et celles qu'il crée à l'heure actuelle.
Et Bertholle n'a point passé des unes aux autres sans tátonner, sans
traverser des périodes de doute et de crise. Si la Maternité de 1933
révèle l'influence de Renoir, les Fous et le Calvaire, qui datent de
l'année suivante, sont déjà loin de la manière impressionniste. Plus
de sensualisme dans ces toiles, plus de lumière caressante. De l'inquié-
tude au contraire: un dessin appuyé, une couleur assombrie et qui ne
cherche pas à séduire. Bref, ces peintures ont quelque chose d'expres-
sionniste qui, plus encore qu'à Rouault, fait penser à Soutine.
En 1935, Bertholle « découvre » Jéróme Bosch, et cette décou-
verte est l’une de celles qui le marquent. On peut, dans une œuvre de
Bosch, admirer les qualités picturales; on peut aussi être sensible sur-
tout au côté symbolique, fantastique, mystérieux. Ce qui fascine
Bertholle, c’est l’obsédante présence du mystère, c’est aussi la perpé-
tuelle intervention des puissances obscures, des monstres et des démons.
Dorénavant, l’insolite s’installe dans sa propre peinture, et les rap-
ports que l'on voit s'établir entre les personnages sont de ceux qui
troublent, qui soulèvent des questions et ne suggèrent que des réponses
embarrassées, hasardeuses. Le penchant au fantastique est renforcé par
la vue, en 1937, de quelques pages de l’Apocalypse de Saint-Sever,
mais quelle que soit la vénération qu’a Bertholle pour de telles œu-
vres, il ne songe pas qu’il puisse modeler son langage sur celui des