la « Sécession » viennoise, c'est avant tout l'art de Gustav Klimt.
Sur deux points ce véritable initiateur de la peinture moderne
en Autriche s'oppose au réalisme: en mettant de plus en plus
l'accent sur la forme pure, d'une part, et de l'autre en recon-
naissant l'importance des idées et du symbole. Il était difficile
de faire la synthése de ces deux choses, et mainte ceuvre de
Klimt reste hybride et discutable. Néanmoins, c'est avec Klimt
que la peinture autrichienne sort de son isolement pour prendre
part au développement général de l'art en Europe, développe-
ment qui tend vers une libération de plus en plus accusée de la
forme. Pour ce peintre de méme que pour la « Sécession » dont
il est le guide, libérer la forme signifie accorder la suprématie à
la ligne et à l'aplat décoratif, ce qui a pour effet de donner un
aspect ornemental jusqu'au paysage. Qu'on risque par là de
ségarer dans le domaine de l'art appliqué et de tomber dans
la préciosité, est certain, mais ce qui ne l’est pas moins, c'est
qu'on rend la peinture capable de s'unir de nouveau à l'archi-
tecture, c’est qu’on prépare un nouveau style monumental.
(Malheureusement il ne subsiste plus qu'une seule œuvre déco-
rative de Klimt, la décoration murale de la maison Stoclet à
Bruxelles; la frise consacrée à Beethoven n'a plus été présentée
depuis qu'elle a figuré à l'exposition de 1902, et les plafonds
de l'Université de Vienne ont été détruits au cours de la derniére
guerre.)
D'autres tendances plus avancées qui ailleurs se préoccupent
du probléme de la forme nouvelle, comme par exemple le
Cubisme, n'existent guére en Autriche au début de ce siécle.
L'art de Klimt, surtout son dessin — non seulement décoratif
mais expressif —, prépare la voie à l’expressionnisme. À la
mélancolie du beau succèdent des accents plus âpres, et bientôt
c’est le moment où l’horrible tragédie de la première guerre
mondiale se réfléte dans l’art d'Egon Schiele et dans celui
d'Oskar Kokoschka. Toutefois, on reconnaît sans difficulté
que malgré la nette rupture qui intervient vers 1900, il subsiste
quelque chose de l'émotivité élégiaque de la fin du siécle pré-
cédent, dans les rythmes linéaires de Klimt, dans l'expression-
nisme extatique de Schiele et de Kokoschka, dans le dessin
romantique et fantastique d’Alfred Kubin. Les œuvres de
Kokoschka dénotent aussi des rapports de plus en plus évidents