Full text: Edouard Pignon

de ses camarades, il n’hésite pas à recourir à la leçon oubliée de Cézanne ou des Cubistes 
pour ordonner ses formes, les organiser dans l’espace. Par la suite, il ne néglige aucune 
acquisition possible, ni la touche fougueuse des grands Anciens, ni les aplats souverains 
et les sonores orchestrations colorées de Matisse, pour entonner ce chant altier, confiant 
qui s'éléve en lui aux pires heures de l'occupation, alors qu'il affrontait au sein de la Résis- 
tance des risques dramatiques. 
Aprés la Libération, à l'exemple de Picasso qu'il rencontre davantage et auquel il se 
lie d’une étroite amitié, le ton devient plus grave, en résonanc? avec les dures conditions 
d'existence des remmailleuses de filet de Collioure ou en 1948 des mineurs de son pays natal. 
Scn graphisme plus noueux, plus incisif, fróle parfois une tension expressionniste; c'est-à- 
dire la distance qui le sépare des deux antagonismes alors en vogue: Réalisme et Abstraction, 
qui, à défaut d'obtenir une concession de sa part, se disputent l'honneur de l'injurier. 
Comme le va-et-vient mouvant de la vie, la série des pécheurs d'Ostende lui apporte 
au méme moment un autre souffle, un apaisement, avec la houle majestueuse des rythmes 
balancés, entrelacés et les subtils accords des douces, des fraîches tonalités de la Mer du 
Nord. Un vaste univers s’offre, accueillant au regard du spectateur et l’invite à s’y promener 
avec quiétude au milieu des gestes humains quotidiens. Peu après, dans les années 50, le 
Midi des vignerons et des oliviers s'impose, plus farouche, plus nerveux, découpé davantag: 
dans la lumière, plus direct aussi par les angles de vue rapprochés, le coloris plus intense. 
Dans la fournaise estivale de la campagne romaine et les tourbillons de poussiére dorée 
des battages, comme dans les fiévreux et virulents combats de coqs de Marles-les-Mines, il 
se découvre une passion nouvelle, dévorante, pour le mouvement, pour les couleurs jaillis- 
santes, pour l'exaltation du flux méme de la vie dans son déchainement superbe. Les deux 
thémes, qu'il expose en 1960 et 1962, finissent bientót par se rejoindre dans les scénes de 
bataille, grandioses, remplies de clameurs et de fureur conquérante, mais dont le joyeux 
baroquisme n’a rien de terrifiant. La série des plongeurs, avec ses froides mais chantantes 
harmonies qu’il mène parallèlement, par la suite celles plus bestiale des têtes de guerrier 
ou plus ironique des seigneurs de la guerre, démontrent bien que si notre artiste cède à 
l'esprit de violence de l'époque, il entend faire triompher, selon son tempérament, la rayon- 
nante puissance de l'énergie des hommes. Ces gerbes élancées, ce fantastique ballet de 
formes enchevétrées qu'il nous offre, restituent au mieux le choc violent de la multitude des 
sensations qu'il parvient à orchestrer selon leur fascinant déploiement de force. 
Cette quéte de la réalité qu'il définit alors clairement à Jean-Louis Ferrier et qu'il n'a 
cessé de poursuivre dans ses peintures, ses decors de theätre ou ses reliefs monumentaux
	        
Waiting...

Note to user

Dear user,

In response to current developments in the web technology used by the Goobi viewer, the software no longer supports your browser.

Please use one of the following browsers to display this page correctly.

Thank you.