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un «grand format» d’andrÉ
fougeron revisitÉ
ClÉs de leCture d’un hugolien
©
éric
chenal
André Fougeron (1913-1998): «Le 18 mars 1871, l‘enterrement du fils de Victor Hugo», 1952, huile sur toile. Don de l‘indivision Fougeron.
Du mois de juillet 2016 à la fin du mois de février 2017,
le Musée National d’Histoire et d’Art expose un tableau
à l’huile de sa collection intitulé Le 18 mars 1871, l’enter-
rement du fils de Victor Hugo. L’œuvre mesure 3,46 m x
5,47 m et est datée de 1952, l’année du cent cinquan-
tenaire de la naissance du poète.
Le tableau représente deux événements qui coïncident
le 18 mars 1871: le cortège funèbre du fils d’un écrivain
bourgeois et révolutionnaire, et la proclamation de la
Commune de Paris. Magnifié par le peintre autodidac-
te, le peuple de la capitale, insurgé contre l’ennemi
extérieur, les Allemands, et intérieur, le régime conser-
vateur au pouvoir, salue avec respect la figure de Victor
Hugo, père de famille éprouvé, figure tutélaire d’une
République démocratique et fraternelle à construire.
Au centre du tableau: le corbillard avec la lettre H et
le poète en vêtements de deuil, porteur de l’écharpe
tricolore de député. Le peuple – hommes, femmes,
garçons, vieillards – dépave les rues afin d’ériger
des barricades, d’autres mettent en place un canon.
Derrière le corbillard, des civils vêtus de noir: la famille
et les proches. À droite, un groupe de musiciens en
uniforme: des gardes nationaux précédés d’un officier
sabre au clair, de futurs communards. En haut du ta-
bleau: le drapeau rouge de la Commune accroché au
fusil d’un ouvrier émeutier, lequel salue Hugo serviteur
des démunis, tout comme une jeune femme aux épau-
les dénudées qui présente un bébé tout nu, peut-être
une image allégorique de la République laïque à naître.
Au fond, la colonne de Juillet, place de la Bastille. En
bas du tableau, sur les pavés, la signature a.fougeron
1952 et une citation de l’historien de la Commune
de Paris, le journaliste et ancien communard Prosper
Olivier Lissagaray (1838-1901): LE 18 MARS 1871.
VICTOR HUGO MÈNE AU PÈRE LACHAISE LE CORPS
DE SON FILS CHARLES. LES FÉDÉRÉS PRÉSENTENT LES
ARMES ET ENTROUVRENT LES BARRICADES POUR
LAISSER PASSER LA GLOIRE ET LA MORT. (L’Histoire de
la Commune de 1871, 1876).
notes de françois martin
Un témoin luxembourgeois, l’ouvrier typographe et
journaliste François Martin (1848-1937), note dans ses
Mémoires inédits, rédigés en allemand (AnLux) que,
parmi les membres du service d‘ordre qui montaient la
garde autour du cercueil un instant exposé aux pieds
de la colonne de Juillet, il y avait aussi des Luxembour-
geois, émigrés en raison de la situation économique
défavorable dans leur patrie.
Tout en condamnant l’emploi de la violence, Victor
Hugo comprenait et défendait les objectifs de la
Commune: autonomie de la Ville de Paris, laïcité du