Répugnant à n'étre qu'un cri, leurs oeuvres entendent se formuler et se moduler en chant;
mais, dans ce chant, l'auteur s'engage tout entier, et d'autant plus complétement que, longue-
ment élaboré à l’ordinaire, le tableau ne traduit pas seulement un état passager d’une vie
intérieure, mais en résume de multiples et livre, condensée, toute une aventure spirituelle.
Ainsi et aussi ce chant n'est-il pas bel canto et se refuse-t-il à l'étre, autant qu’il se refuse à être
une effusion, une effusion, à la limite, informulée. Intérieurs à leurs toiles et obligés, pour
réussir à l’être, de faire d’elles des constructions, des constructions qui mettent en cause et mettent
en oeuvre toutes les ressources de leur art, peut-être les peintres présents dans cette exposition
trouvent-ils, parmi ceux d’aujourd’hui, leur originalité — et une originalité traditionnellement
française — dans cette ambition qui est aussi tension et qui, à l’être, conquiert, plus encore
que sa complexité et sa richesse, sa valeur.
Mais voici qu'à étre cet équilibre, cette somme, leur peinture en devient nécessairement secret.
Elle ne se livre pas d'emblée. D'abord hautaine, elle n'est point d'accés facile. En une époque
ou tant d'arts violent les foules, elle ne se livre aux spectateurs que peu à peu, en respectant
leur liberté, et en proportionnant ses confidences à leur capacité ou à leur ferveur. Que ceux,
donc, qui viendront la voir ne lui refusent pas un peu de leur ferveur. Elle leur fera en retour
bonne mesure.
Bernard Dorival
Conservateur du Musée National d’Art Moderne de Paris
Commissaire de l’exposition