Le seul nom d’Edward Steichen, ne Luxembourgeois, fait citoyen
des Etats-Unis d’Amerique et parvenu, gräce à son art, aux honneurs
d'une renommée mondiale, devrait nous inviter à confesser une fierté
de bon aloi au sujet d'un homme qui, au terme de sa vie, se souvient
de ses origines et, avec la permission de sa plus grande patrie qui
nous accorde des faveurs, s’offre in effigie à ses compatriotes : voici
sa fameuse collection de photos, réunies sous le nom de « Family
of man », bien installée dans nos Musées et témoignant, en même
temps, du talent d’un artiste, qui, en maître absolu, domine la tech-
nique de son métier, ainsi que de la grandeur d’une nation d’outre-
mer, dont l’amitié n’est pas dispensée en proportion de la puissance
du peuple qui reçoit !
Il serait facile de présenter Steichen en rappelant tous les poncifs
chers aux fabricants de biographies. Je préfère m’en passer et recourir
à un procédé qui me permettra de saisir son tempérament à travers
ses œuvres et de mesurer les dimensions de son talent dans l’ampleur
de la beauté qu’il sait fixer à l’aide d’une pellicule. La théorie, émise
par Vincenzo Gioberti, il y a cent-vingt-cinq ans, dans l'« Essai sur
le Beau », me parait encore valable pour l'entreprise que je vais ten-
ter, afin de déceler, dans les différentes prises de vue, tout ce qui est
de nature à retenir mon attention, à me plaire et, le cas échéant, à
me fasciner par les péripéties d’un processus, qui, d’un bel objet,
fait un « fantôme intérieur vivant », dont la feuille reproductrice ne
constitue que l'expression extérieure. La beauté, pour moi, ne réside
pas dans le chef-d'oeuvre que je contemple, mais dans le « fantóme »
produit par mon imagination et causé par la sensibilité active de
l'artiste qui crée. Le plaisir que j'éprouve, en regardant les sujets