dessinés à l’aide de quelques lignes «maladroites», les personnages s’y
réduisent à des bonshommes. Bien que leurs visages, qui normalement
se présentent de face, ne soient pas sans expression, que nous y voylons
notamment les regards qui nous fixent avec quelque insistance, leurs
contours se soumettent à la structure du tableau; mieux, ils sont des
éléments de cette structure, et, comme Klee, Bissière aurait pu
expliquer son dessin par le souci de laisser à ses lignes une élémentaire
pureté. D'ailleurs, vers le milieu des années cinquante, il renonce à
toute figuration, et elle ne reparaîtra plus que dans quelques oeuvres
qu’il exécutera vers la fin de sa vie.
Est-ce à dire que dorénavant il refuse ou réduit les contacts
avec le monde extérieur? Nullement. Nous remarquons même qu’il les
rend plus étroits. Il efface les objets, mais conserve leur suc, leur
essence, leur charge poétique. Il traduit l’empreinte qu’ils ont laissée
dans sa sensibilité et témoigne de la ferveur que leur présence ou leur
souvenir ont suscitée dans son âme. Voici en effet des verts qui ne
revêtent pas des plantes ou des feuillages, mais qui évoquent des
jardins, des prairies, des forêts, tantôt une nature jeune, printanière,
gonflée par l’acidité de la sève qui revient, tantôt une nature que la
pluie a saturée de fraîcheur, de vitalité ou que le soleil de l’été a
mûrie. Voici non pas une terre labourée, mais des bruns qui nous la
rappellent en même temps qu’ils nous font penser à des troncs d’arbres
ou à des meubles rustiques patinés par les siècles. Voici des gris qui