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N°IV 2024   MuseoMag 
ÉCLAIRAGE 
plan, de sorte qu’on assiste à une «africanisation des 
forces portugaises face aux croissantes difficultés 
de recrutement en métropole », comme l’écrit Carlos 
de Matos Gomes dans le livre-photos d’Alfredo 
Cunha 25 de Abril de 1974. Quinta-Feira. «En 1973, les 
forces africaines représentaient 57% du total des 
effectifs déployés en Angola, 35% en Guinée et 56% 
au Mozambique.» 
Si le 25 avril 1974 met fin à l’oppression et à la do- 
mination portugaise dans les anciennes colonies 
d’Afrique, il condamne des milliers d’enfants, de 
femmes et d’hommes – blancs, noirs et métisses 
– à un «impossible» retour. En juillet 1974, le Conseil 
d’État promulgue la loi du 7/74, reconnaissant le 
droit des peuples des territoires d’Outre-mer à 
l’autodétermination et à l’indépendance. Les pays 
occupés recouvrent progressivement une souverai- 
neté totale sur leurs territoires: une marche vers l’au- 
todétermination qui s’avère plus ou moins longue, 
plus ou moins tourmentée, voire souvent sanglante, 
entraînant un exode massif des anciens colons. Mais 
pour les Africains ayant servi dans l’armée portu- 
gaise, l’indépendance a un goût amer: non seule- 
ment ils sont abandonnés à leur sort par les troupes 
vaincues qui se retirent des territoires en leur tournant 
le dos mais ils sont encore persécutés comme 
traîtres, quand ils ne sont pas torturés ou fusillés. 
Deuxième image. Lisbonne, 1975: amoncellement 
de containers face au Padrão dos Descobrimentos 
(monument édifié en 1960 pour la célébration du 
«siècle des découvertes» du Portugal au 
XVe 
siècle). 
Deux blocs d’histoire juxtaposés se font face et 
s’annulent: d’une part, celui du retour forcé d’anciens 
colons à la «mirifique» métropole et d’autre part la 
glorification de l’empire des découvertes avec ce 
monument granitique. Départ/retour: deux blocs 
lourds de sens qui désacralisent le rêve impérialiste 
et «réduisent» le Portugal à ses frontières originelles. 
En 1975, le Portugal est trop affairé à se reconstruire 
démocratiquement. «Le passé colonial intéressait 
alors bien peu les médias», se souvient Alfredo 
Cunha, qui s’étonne que les médias portugais ne 
braquent pas davantage leurs projecteurs sur ce 
processus. Lorsqu’il aperçoit un dimanche matin en 
se baladant dans les rues de Lisbonne ces conte- 
neurs amoncelés devant le monument des décou- 
vertes, il immortalise cette composition si symbo- 
lique. Cette année-là, le Portugal se trouve au plus 
fort des rapatriements d’urgence et va connaître 
le plus grand afflux migratoire de ce temps. 
Ces dénommés retornados sont plus de 500.000 à 
renouer avec la métropole. Plusieurs ponts aériens 
et maritimes s’organisent d’urgence (on parle de 
900 vols et de vingt bateaux cargo - dont plus de la