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N°II 2024   MuseoMag 
TÉMOIGNAGES 
par le passé. Les commissaires de l’exposition ont 
ainsi choisi les témoins pour la diversité de leur 
parcours. Les différents points de vue exprimés sur 
la dictature et le 25 avril 1974 permettent d’illustrer 
que la mémoire collective n’est pas univoque et 
que les événements ont pu être perçus de manière 
particulière, les souvenirs des uns étant parfois en 
contradiction avec ceux des autres. Passons en re- 
vue quelques témoignages (les vignettes ci-dessous 
correpondent au portrait des interviewés dans leur 
ordre de présentation). 
VOIX DU LUXEMBOURG 
António Paiva, déjà connu du musée pour sa contri- 
bution orale dans le cadre de l’exposition sur Le 
passé colonial du Luxembourg, était heureux de 
pouvoir cette fois-ci plus longuement s’étendre sur 
son passé de réfractaire. Arrivé au Luxembourg en 
1971, il n’a jamais cessé depuis de s’exprimer poli- 
tiquement, s’engageant dans diverses associations 
représentant notamment des hommes qui, comme 
lui, avaient refusé net s’engager dans les guerres 
coloniales en Afrique. En tant que dissident et exi- 
lé, António Paiva fut tout naturellement placé sous 
la surveillance de la police politique portugaise, 
la PIDE, laquelle avait fait établir un dossier sur sa 
personne, suivant de près ses faits et gestes. 
Elsa Trindade, ancienne secrétaire de l’a.s.b.l. Les 
Amis du 25 Avril, est née à Nazaré en 1960. Timide 
et réservée à son arrivée au studio, Mme Trindade 
réussit à nous captiver par la vivacité de son récit. 
Elle raconte son enfance pendant la dictature, une 
époque pas si lointaine mais bien différente de la 
vie au Portugal d’aujourd’hui. Elle se rappelle que 
son père s’enfermait dans son magasin pour écou- 
ter la BBC en cachette. Elle parle aussi des premières 
années après la révolution qui soufflent un vent 
de liberté à mille lieues de l’esprit de censure des 
dernières années de la dictature, lui permettant 
notamment d’accéder aux livres de son choix, 
interdits jusque-là. 
Serge Kollwelter, dont l’engagement pour les 
droits des immigrés au sein de l’ASTI est légion, 
travaillait comme instituteur d’une classe d’accueil: 
il lui semblait alors très important de savoir parler 
le portugais. En 1973, il est parti au Portugal pour la 
première fois afin d’apprendre la langue. Il a ainsi 
connu le pays sous le joug de la dictature. Avec 
d’autres personnes sensibles à la cause sociale, 
Serge Kollwelter s’engage alors pour améliorer 
l’accueil des Portugais au Luxembourg, venus 
souvent de manière illégale, et logeant parfois dans 
des conditions inhumaines. 
Né en Guinée portugaise, Quintino Gomez a vécu 
la guerre coloniale comme enfant. Il a mis un point 
d’honneur à se présenter devant la caméra avec un 
drapeau guinéen sur les épaules. Il a raconté son 
enfance sous l’occupation portugaise et le chan- 
gement dans l’éducation après l’indépendance, 
sa motivation à rejoindre le Luxembourg et il nous 
a rappelé à regret que son pays natal est aujourd’hui 
encore une dictature, privé de liberté d’expression. 
João Rolo Domingues a exercé comme soldat en 
Guinée-Bissau dans une unité spéciale de la marine 
portugaise. Il a décidé de partir pour le Luxembourg 
une semaine après la fin de son service militaire et son 
retour au Portugal. De nature joviale, il devenait plus 
tourmenté à chaque fois qu’il devait évoquer le passé 
militaire: il a souligné l’absurdité de son engagement 
en Afrique, d’autant plus qu’après la Révolution, 
les colonies pour lesquelles les militaires s’étaient 
battus ont si rapidement acquis leur indépendance.