34 museomag   02 ‘ 2023 
Le monochrome, le noir et blanc, la grisaille ou encore 
le camaïeu ponctuent régulièrement l’histoire de l’art, 
que ce soit par défaut de gamme chromatique comme 
dans les peintures rupestres ou par intention expresse 
comme dans le vitrail. Avec l’invention de l’imprimerie, 
le regard humain se familiarise avec le noir sur blanc. 
L’esthétique de l’absence de polychromie traverse 
ensuite les siècles, s’étendant aux volets peints des 
retables des 15 et 16e siècle, aux représentations des 
vanités, à la figuration du divin au rococo ou encore 
au classicisme pour rechercher la «noble simplicité 
et la grandeur tranquille». Au fil du temps, les idées 
autour de la couleur, ou plutôt de la non-couleur, se 
sont précisées, glorifiant la ligne et la forme au 
détriment des coloris considérés comme distraction 
voire péché. 
La réforme protestante a largement contribué à cette 
vision austère des choses. Les teintes de rouge, orange, 
jaune ou vert sont alors bannies des garde-robes et 
des murs des églises. Cette expression de la simplicité, 
de l’humilité et du sérieux se reflète encore des siècles 
plus tard dans la production de masse chez Henri Ford 
qui ne fabriquait, au départ, que des voitures noires. 
LA RÉCEPTION DES COULEURS 
Mais plus que l’idéologie, c’est la science qui induit une 
opposition entre les couleurs et le noir et blanc – le gris, 
en tant que dégradé des deux, est à inclure dans cette 
rupture qui survient au 17e siècle. Auparavant les Grecs 
antiques structuraient leurs couleurs sur une échelle 
linéaire de clarté allant du blanc au noir: le jaune 
étant un peu plus foncé que le blanc et le bleu se 
situant juste avant le noir. Le rouge et le vert se situent 
au milieu, deux teintes qu’au Moyen Âge l’on considé- 
rait toujours comme quasi-équivalentes. 
En 1666, les travaux d’Isaac Newton vont introduire 
une vision plus spectrale de la gamme chromatique. 
Ainsi, le noir et le blanc ne sont plus considérés 
comme des couleurs. Le disque chromatique de 
Newton organise les couleurs de la lumière visible au 
nombre de 7, appelées primaires. Le noir ou le gris 
neutre deviennent l’absence de couleur (lumière) et 
Il ne s’agit pas d’un refus ou d’une absence de couleur mais bien de l’utilisation d’une palette riche et expressive dans plus de… 
cinquante nuances de gris. 
CINQUANTE NUANCES DE GRIS 
ET DES POUSSIÈRES 
L’UNIVERS ESTHÉTIQUE EN CAMAÏEU GRIS DE L’EXPOSITION ”INSPIRED BY STEICHEN” 
NOUS INVITE À REVENIR SUR L‘HISTOIRE DE CETTE (NON-)COULEUR 
© 
éric chenal