17 02 ‘ 2022 museomag Les protestations de rue dans le sillage du mouvement Black Lives Matter se sont aussi traduites par des actes de vandalisme dans l’espace public, comme sur l’emblématique Padrão dos Descobrimentos, à Lisbonne. Faut-il déboulonner les statues et monuments ayant partie liée avec le passé esclavagiste pour réparer la mémoire? Si oui, en fonction de quels critères? Je suis complètement contre le vandalisme et la destruction de statues et les lieux de mémoire. Par exemple, le Padrão dos Descobrimentos, une sculpture en pierre qui reproduit le monument en plâtre de l’Exposition du Monde Portugais de 1940, épigone du nationalisme colonialiste de Salazar et donc porteur d’un fort message idéologique du colonialisme, ne doit être ni vandalisé, ni détruit. Au contraire, ce mémorial doit être contextualisé pour permettre aux nouvelles générations de mieux comprendre le passé colonialiste portugais. Détruire, c’est détruire la mémoire et donc l’Histoire, comme si rien de négatif n’avait existé. Si l’on détruit tout, comment savoir dans le futur que le Portugal a été un pays colonisateur? Réparer la mémoire et faire l’Histoire passe par la conservation de ce qu’il nous reste du passé avec un souci de contextualisation. La question posée est centrale: selon quels critères et qui doit décider aujourd´hui en 2022 ce qui doit être détruit? Ni l’État, ni personne n’en a le droit et il n’existe aucun critère univoque. Est-ce que cette propagande activiste favorise les réflexions sur le poids de l‘héritage colonial? Je pense que l’activisme ne doit pas remplacer l’Histoire. À celle-ci incombe ce qui relève de l´Histoire (recherche et historiographie) et à l’activisme ce qui relève de l’activisme. L’Histoire est d’une certaine manière toujours révisionniste dans la mesure où de nouvelles sources et interprétations se relaient et changent en permanence ce que l’on sait du passé. Mais ce processus doit toujours être guidé par la poursuite de la vérité, et non par l’idéologie. Propos recueillis par Sonia da Silva «Treize années de guerre coloniale portugaise en Afrique» – Conférence par Irene Flunser Pimentel le 16 juin à 18 h au MNHA. © tom lucas António Paiva témoigne en tant qu‘ancien déserteur de la guerre coloniale portugaise. TÉMOIGNAGES Mémoires coloniales Dans le cadre de son exposition «Le passé colonial du Luxembourg» (7.4. - 6.11.2022), le MNHA a recueilli le témoignage de huit person- nes qui nous ont livré leurs mémoires coloniales: une personne née d‘un père fonctionnaire colo- nial luxembourgeois et d‘une mère rwandaise; une autre ayant passé son enfance au Congo belge où le père luxembourgeois y travaillait comme boulanger; deux soeurs dont le père officiait au service d‘une mission catholique jésuite au Congo belge; etc. Parmi ceux-ci, il y a aussi des témoignages d‘opposants à la guerre coloniale, comme Antonio Paiva, ancien réfractaire qui en 1970 quitte clandestinement le Portugal sous régime dictatorial pour s‘installer d‘abord en France, puis au Luxembourg. En tant que membre de l‘Association Exilés Portugais AEP61-74, M. Paiva est à l‘origine d‘une publication collective intitulée „Exílios“ sur l‘histoire d‘une vingtaine d‘exilés portugais en Europe dans les années 1960 et 1970. Celle-ci vient juste de pa- raître aux éditions Chandeigne sous le titre „Exils, témoignages d’exilés et de déserteurs portugais“ (traduction: Ilda Nunes; préface: Victor Pereira), coll. Bibliothèque Lusitane, 142 pages, ISBN: 978- 2-36732-214-8. Prix: 20 euros.