6 museomag 01 ‘ 2021 Lors de la deuxième séance de prise de photos en mode infrarouge, le nom du peintre s’est enfin révélé à nous: «Chavailhier – fecit 1630», pouvait-on lire distinctement. © éric chenal JUSQUE-LÀ INVISIBLE ET ILLISIBLE À PROPOS DES MÉTHODES SCIENTIFIQUES D’EXAMEN DANS L’ÉTAPE DU DÉGAGEMENT D’UNE SIGNATURE SUR UN TABLEAU «ANONYME» DU 17e SIÈCLE En 2019, le MNHA a acquis le tableau Saint Antoine visitant Saint Paul l’Ermite indiqué comme anonyme dans une vente aux enchères. En arrivant dans nos ateliers, l’œuvre présentait une importante couche de saleté, bon nombre de surpeints et de retouches et un vernis fort oxydé. Tout cet amalgame de matériaux gommait la profondeur et le coloris original. Il a fallu procéder à un toilettage poussé en vue de son exposi- tion au sein de notre collection au musée (lire l’article dans le III-2020, pp. 24-26). L’ANALYSE D’UNE ŒUVRE Le début d’analyse d’un tableau se fait toujours à l’œil nu, qui scrute l’entité de la surface, face et revers. Nous observons sous lumière normale et lumière rasante (c’est-à-dire que nous changeons l’angle d’incidence de la lumière), ce qui procure un relief plus ou moins prononcé à la couche picturale. La lumière rasante peut nous livrer des informations sur l’état de l’œuvre, par exemple de la couche picturale détectant des soulève- ments. En plus nous utilisons régulièrement l’emploi du binoculaire avec différents agrandissements qui nous aident à déceler dans le détail la superposition de dif- férentes couches de peinture et de vernis par exemple. Toutes ces observations se font dans le spectre de la lumière visible, c’est-à-dire de 800nm – 350nm. Or c’est au-delà de ces limites du visible que nous pou- vons trouver des informations importantes en faisant appel aux rayonnements ultraviolets et infrarouges et qui permettent de comprendre une partie du passé de l’objet (voir notre «Appel du regard», pp. 18-19). Cela fait depuis les années 60 que ces rayons ultra- violets (UV) et infrarouges (IR), invisibles pour l’œil humain, sont employés dans l’analyse scientifique des œuvres d’art. Les UV, soit une émission de rayonne- ments inférieurs à 350 nm, rendent des surpeints et des retouches manifestes par la différence de l’absorp- tion des molécules récentes par rapport aux molécules d’origine. Ces ajouts de matière picturale sont visibles par des traits ou taches foncés. Ainsi, une couche de vernis résineuse ancienne a une certaine fluorescence verdâtre et laiteuse sous UV. Dans notre travail de dé- gagement d’une ou de plusieurs couches de vernis, ces rayonnements ultraviolets sont d’une aide précieuse. Les IR permettent, eux, de pénétrer les couches picturales selon la composition des pigments. Ils peuvent par exemple nous dévoiler un dessin pré- paratoire recouvert par la couche picturale ou une signature cachée sous un surpeint. Cette image est visible sur une photo ou un écran d’ordinateur. Signalons que ces méthodes sont bien entendu non-invasives.