4 museomag 04 ‘ 2020 CE PASSÉ COLONIAL QUI NOUS HANTE (1/2) LE DÉBAT SOCIAL NÉ DU MOUVEMENT «BLACK LIVES MATTER» N’A PAS MANQUÉ DE VIVIFIER LE PROJET DE RECHERCHE DU MNHA EN VUE D’UNE EXPOSITION Le Musée Dräi Eechelen garde des traces des mercenaires luxembourgeois dans les armées coloniales, comme cette petite vitrine contenant des balles de fusils utilisés par les Indonésiens contre l‘Armée coloniale néerlandaise dans laquelle Gustave Bück, fils de l‘imprimeur Victor Bück, avait été officier pendant une dizaine d‘années vers 1880. Depuis plusieurs années, le MNHA prépare une exposition sur le «Luxembourg colonial», qui mettra en lumière les nombreuses relations entre le Grand- Duché de Luxembourg et les colonies d’outremer en Amérique, Asie et Afrique sur plusieurs siècles – une histoire qui aujourd’hui encore imprègne souvent les idées reçues des Européennes et Européens quand il est question d’autres parties du monde. Au printemps 2020, cette histoire s’est retrouvée au cœur des discussions autour du racisme structurel dans les sociétés contemporaines. Les violences poli- cières aux États-Unis ont donné un écho mondial au mouvement Black Lives Matter. En Europe, des mani- festants ont déboulonné des statues d’esclavagistes et de colonisateurs. En Belgique, le rôle du Roi des Belges Léopold II dans la colonisation du Congo a été vive- ment discutée. Au Luxembourg, le conseil communal de Wahl a décidé de changer le nom de la rue Nicolas Grang, du nom du premier Luxembourgeois décédé au Congo en 1883, un ancien militaire sanguinaire. Autrefois, l’asservissement des autres civilisations par les Européens dans le cadre de leur expansion poli- tique et commerciale depuis le XVe siècle était justifiée par des représentations visant à illustrer la suprématie raciale des Européens. Aujourd’hui, bien qu’illégales et condamnées par le Code pénal depuis plus de vingt ans, les discriminations basées sur la couleur de peau persistent. UNE QUESTION ACTUELLE AU COEUR DES DÉBATS PUBLICS Au Luxembourg aussi, l’intérêt pour ces questions hélas toujours d’actualité a été très vif des derniers mois. Dans les débats publics, la question de l’histoire coloniale du Luxembourg a été centrale. Une question parlementaire a d’ailleurs été posée au Premier Ministre par le Parti pirate afin de savoir s’il fallait que le Luxembourg s’excuse pour sa participation au système colonial. Si le gouvernement a récemment chargé l’Université de Luxembourg d’étudier la question, l’histoire coloniale luxembourgeoise a de fait déjà été défrichée par les historiens. À côté de nombreux articles scientifiques et grand public publiés depuis une quarantaine d’années, les instituts culturels de l’État ont été très actifs dans la recherche sur les sujets coloniaux: le Naturmusée a produit il y a peu une exposition sur les explorateurs luxembourgeois à travers le monde; © éric chenal