34 museomag 04 ‘ 2017 la couronne portugaise en eaux troubles redéfinitions de la stratégie maritime après la découVerte de l’amériQue – dernière conférence de «portugal – drawing the world» © éric chenal Lorsque Christophe Colomb (1451-1506) aborde le port de Lisbonne le 4 mars 1493, il est conscient d’avoir changé le cours de l’Histoire. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est dans quelle mesure la stratégie de la couronne portugaise devra être revue. En effet, le roi Jean II du Portugal (1455-1495), qui n’était pas à Lisbonne à ce moment, juge la découverte assez importante pour recevoir Colomb. La stratégie de la couronne, établie par le Prince Henri dit Le Navigateur (1394-1560) depuis plus de 50 ans, était bien établie et avait porté ses fruits. L’idée en était simple, sa concrétisation cependant était lente à mettre en place; briser la route de la soie par la voie maritime. Or, cela présupposait la circumnavigation du continent africain, dont on connaissait depuis 1488 l’étendue, avec l’établissement de points de ravitaillement. Jean II savait qu’il ne s’agissait plus que d’une question de temps avant d’arriver à briser ce monopole. Ainsi, l’idée que Colomb lui avait proposée quelques années auparavant apparaissait trop complexe et périlleuse. le point d’arriVée de christophe colomb fait débat Pourquoi s’aventurer dans l’inconnu, si on peut se fier aux expériences acquises de bons capitaines? Colomb n’est pourtant pas le premier à avoir eu cette pensée? Elle est présente dès l’Antiquité, avec Aristote et c’est Paolo dal Pozzo Toscanelli (1397-1482) qui la repêchera de l’oubli. Cependant, les mathématiciens de la cour jugent ce calcul imprécis et improbable, parce que le florentin admet un diamètre de l’orbe terrestre trop petit. Ainsi, il y a discussion sur le point qu’aurait atteint Colomb, et les mathématiciens du roi, dont le plus éminent, Duarte Pacheco Pereira (1469-1533) sont d’avis qu’il est bien arrivé quelque part, mais il est improbable qu’il soit arrivé aux Indes occidentales. Or, cette information inquiète le roi ; il fait référence au traité d’Alcáçovas de 1479 et essaiera de l’interpréter de manière à ce que la découverte de Colomb soit annulée, puisque ces terres seraient dans la sphère d’influence portugaise. En secret, il reconnaît toutefois qu’il faut hâter le pas. Christophe Marinheiro, docteur en Histoire de la philosophie, est le dernier conférencier invité dans le cadre le l’exposition «Portugal – Drawing the world».