25 02 ‘ 2015 museomag CETTE SINGULIÈRE SOLLICITUDE INCURSION DANS L’ATELIER DE RESTAURATION DU MNHA Simone Habaru est restauratrice: elle a pour tâche de ranimer l’âme des œuvres d’art ternies ou meurtries. Les œuvres des collections du MNHA, mais aussi celles prêtées dans le cadre d’expositions temporaires à l’af- fiche de nos musées. En ce début d’année, ce sont les toiles destinées à l’exposition Les frontières de l’Indé- pendance. Le Luxembourg entre 1815 et 1839 qui solli- citent Simone Habaru, notamment un portrait du pro- fesseur et physicien Antoine Meyer (1801-1857), l’auteur de « E’ Schrek ob de’ Letzeburger Parnassus » (1829). Cette huile sur toile de 1857, que l’on suppose de la main du fils E. Meyer, trônait au faîte de la salle de la bibliothèque universitaire de Liège quand elle fut repé- rée par les conservateurs du Musée Dräi Eechelen, qui demandèrent alors qu‘elle fasse l’objet d’un prêt. « C’est un tableau de belle facture, techniquement parlant. Le peintre a fait montre d’une honorable tech- nique du noir sur noir», observe Simone Habaru, plon- geant un coton tige dans un pot de citrate de triammo- nium dilué afin de nettoyer et de polir la surface. « C’est toute une popote que la restauration», lance-t-elle l’air amusé. « Autrefois on éliminait les couches de crasse à la salive. Et c’est très efficace car plein d’enzymes! ». Sur son bureau s‘accumulent des fiches Bristol, dont celle du tableau A. Meyer : quelques cotons scotchés à ce carton de travail documentent le degré d’intervention nécessaire pour les besoins de l’exposition. REDONNER L’ÉCLAT ORIGINEL Après avoir constaté l’état de la toile, et après avoir défini avec les prêteurs le niveau d’intervention requis, Simone Habaru se rend au chevet du tableau en con- valescence, dotée d‘un savant arsenal de remèdes. Elle enfile son chemisier noir afin d’éviter toute source de re- flet. D’abord elle teste le niveau de fixage de la couche picturale, puis elle procède à une première phase de décrassage. « La couche picturale effritée à l’endroit de la déchirure doit impérativement être fixée pour éviter toute perte supplémentaire de matière originale. Après fixage, les lèvres d’une déchirure sont recollées fil à fil au revers. Suivent l’étape du masticage et sa mise à niveau avec structuration et la retouche à l’aquarelle. J’applique ensuite un vernis local intermédiaire et re- touche à l’aide de pigments ». Advient enfin la pose du vernis final pour restituer la brillance originelle. Et la restauratrice de préciser: « Toutes ces étapes sont do- cumentées sur le plan photographique afin d’assurer une traçabilité des interventions successives. » Simone Habaru: « C’est toute une popote que la restauration». Le « Portrait du Professeur Antoine Meyer » aura eu droit à l‘intervention objective de la restauratrice, grâce à ses mains expertes. Mais il y a plus: l‘œuvre a bé- néficié d‘une bienveillance singulière, d‘une sollicitude, qui en définitive lui aura conféré un supplément d‘âme. « Ce qui se passe dans un atelier entre une œuvre et le restaurateur relève parfois d’un processus quasi spiri- tuel. La relation peut être très intime... », confie-t-elle. Ce processus et son expérience, Simone Habaru les évoquera les 8 et 9 mai lors d’un colloque de res- taurateurs à Dresde, en s’appuyant sur la miraculeuse restauration d’une huile de Bonaventura Peeters, au- jourd’hui visible au MNHA sous son meilleur jour en la section dédiée à l’Art Ancien. SdS