12 MuseoMag N°I 2024 Dans le cadre du lancement de la version Collections 2.0, plateforme numérique permettant d’explorer les collections et archives du musée, nous avons invité le 26 octobre dernier l’anthropologue Abdu Gnaba à parler de «L’art à l’heure du numérique». Lors de son intervention qui avait pour sous-titre «Du conservatoire- musée à l’alimentation d’un centre de ressource universelle», l’orateur a évoqué notre rapport à l’art en l’inscrivant dans la distinction éducation/ élévation, en décrivant son expérience de conseiller au service de musées avant de conclure sur notre besoin vital de nous «émouvoir esthétiquement», quelle que soit la porte d’accès – physique ou virtuelle. Entretien. Le public a été conquis par votre éloquence et votre approche humaniste. Or s’il a beaucoup été question d’art comme source d’élévation, vous avez peu abordé la question de sa voie d’accès. Peut-on s’émouvoir devant un écran? J’ai volontairement situé la problématique en dehors de la seule comparaison physique-numérique pour célébrer l’enfant du couple: la complémentarité d’accès. La question essentielle réside moins dans les formes de la rencontre que dans les enjeux anthropologiques de cette rencontre. Nous avons besoin de sentiments esthétiques pour nous élever, pour devenir humains. Dans toutes les populations, sur tous les continents et à toutes les époques, les anthropologues ont observé la présence d’objets qui ne servaient à rien, si ce n’est à être beaux. Fort de ce constat, il est important, me semble-t-il, d’appréhender le développement du numérique comme un moyen supplémentaire de diffusion. C’est pourquoi l’hypothèse que j’ai défendue consistait à montrer que si le numérique proposait un autre type de rapport à l’art, il n’en était pas moins générateur de sentiments esthétiques. Par essence, il suscite un autre degré d’émotion, mais néanmoins, il en provoque. Rien ne remplace les sensations éprouvées lors d’un concert «live», mais personne ne renoncerait au plaisir d’écouter de la musique chez soi, fût-elle dématérialisée. Observons la question sous un autre angle: qu’est- ce que le physique ne permet pas, et à qui? Si vous «ON NE NAÎT PAS HUMAIN, ON LE DEVIENT» Rencontre avec Abdu Gnaba, fondateur de SocioLab et orateur invité dans le cadre du lancement de la nouvelle version de collections.mnaha.lu Abdu Gnaba: «Le patrimoine est, comme son nom l’indique, un élément identitaire fondamental de la patrie: en assurer la diffusion auprès des citoyens est essentiel. Il porte en lui la force de cohésion qui nous unit, l’esprit qui nous re lie.» © éric chenal