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La question du choix du style architectural répondait, certes, 
à la préoccupation essentielle de la recherche d’un plan ra- 
tionnel et fonctionnel, permettant un flux optimal des ser- 
vices, respectivement de la production. La fonctionnalité du 
plan est aussi déterminante pour l’immeuble à construire que 
le style à choisir, surtout que celui-ci exprimait l’appartenance 
à un groupe idéologique précis. Le plan n’est pas uniquement 
la transposition dans l’espace de l’organigramme du service 
étatique ou de l’entreprise de production. Il est aussi une pro- 
jection sur l’avenir, car il doit intégrer l’expansion du service, 
respectivement de la production, sans perturber le fonction- 
nement en place. Il définit également les sphères, non seule- 
ment d’activités, mais encore d’accès. Il prescrit le chemin 
à suivre pour atteindre un lieu déterminé, tout en excluant 
d’office toute autre voie de communication interne. L’archi- 
tecture des cours princières et des abbayes, mais aussi l’ar- 
chitecture militaire servit souvent de modèle aux bâtiments 
administratifs, aux écoles, aux entreprises de production. 
Il est vrai que la ville de Luxembourg était une ville forteresse, 
guère propice à l’éclosion d’une architecture civile, riche et 
développée. Située à l’écart des voies de navigation favorables 
au commerce, pauvre en richesses du sol, et démunie de toute 
cour princière ou épiscopale, la capitale grand-ducale ne pos- 
sédait guère de tradition architecturale qui aurait pu lui servir 
de source d’inspiration pour répondre aux besoins nouveaux 
qu’engendrait la ville de l’époque industrielle. Certes, il y eut 
un regain d’intérêt, surtout pour le patrimoine castral de la 
campagne, mais aussi pour les édifices religieux et civils que 
le Moyen Âge ou la Renaissance avaient légués. Toutefois, 
si tradition architecturale il y avait, elle résidait avant tout 
sur le plan militaire, et elle était le fruit des travaux entrepris 
par les différents régimes établis au pays depuis la prise de la 
forteresse par les Bourguignons. 
Mais cette question de l’héritage d’un patrimoine, respective- 
ment d’une tradition architecturale, ne devait pas être sures- 
timée. Le 
XIXe 
siècle était bien à la recherche du prototype 
de l’immeuble pouvant convenir aux différents besoins de 
la ville moderne. D’ailleurs, la généralisation des nouveaux 
matériaux de construction et le relativisme naissant face aux 
différentes orientations artistiques font reculer fortement cet 
intérêt pour le passé. 
Il est manifeste qu’on ne voulait nullement reproduire de l’an- 
cien, on était en aucune façon des nostalgiques du passé. Bien 
au contraire, le monde des architectes et des ingénieurs et de 
leurs maîtres d’ouvrage n’avait rien d’autre en tête que de déve- 
lopper un langage nouveau approprié aux besoins spécifiques 
du moment. Cette préoccupation permanente explique la re- 
cherche effrénée d’un plan rationnel, la réduction des formes 
architecturales du passé au simple rang d’inspiration condui- 
sant finalement à l’éclectisme. A défaut de savoir inventer une 
architecture moderne de toute pièce, si on voulait s’inspirer du 
passé, il fallait le faire à la lumière des nouvelles possibilités 
techniques et des nouveaux programmes de construction. 
En ce sens, l’historicisme est à la base de l’architecture mo- 
derne et contemporaine ! 
Comme donc aucun style du passé ne pouvait donner satis- 
faction, la question du style devint rapidement une question 
politique. 
Ainsi, la néo-Renaissance fut considérée comme un style 
libéral opposé au corporatisme ultramontain. Le choix du 
style reflète donc par une démarcation symbolique dans l’es- 
pace, la part du pouvoir suprême que détenait l’Etat, respec- 
tivement l’Eglise. A Luxembourg, cette rivalité entre pouvoir 
laïc et spirituel était revêtue d’un caractère particulier. La 
tension était nette, car Etat et Eglise se partageaient le même 
territoire ; les deux pouvoirs étaient occupés à mettre leurs or- 
ganigrammes en place, et à remplir la notion de « Nation » de 
sens et de valeurs en concordance avec leurs conceptions du 
monde respectives. D’autre part, la prédilection pour la néo- 
Renaissance française peut être comprise comme un moyen 
de démarcation culturelle face à l’emprise économique et po- 
litique de l’Allemagne. 
Combats	d’idéologies	dans	l’architecture	de	 
la	Belle	Epoque	? Conférence	par	Dr.	Robert	L.	Philippart,	historien,	jeudi	13	octobre	2011	au	MNHA