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Le nombre des intérieurs Art Nouveau ayant subsisté étant 
très peu élevé, c'est une chance extraordinaire de pouvoir en 
admirer deux, relativement bien conservés, dans la ville de 
Luxembourg. 
Héritier spirituel des Arts & Crafts, un mouvement de réno- 
vation des arts décoratifs apparu dès les années 1860, le style 
« nouveau » tourna le dos au passé, essentiellement gréco-ro- 
main, et partit chercher son inspiration dans la nature. Les pro- 
tagonistes de ce style conseillèrent également aux architectes 
de s’associer aux artistes afin d'accorder autant d'attention à 
l'intérieur qu’à l’extérieur des bâtiments. Le but était de renouer 
avec le principe du Gesamtkunstwerk (œuvre d’art totale). 
Celui-ci avait cédé la place, dans la seconde moitié du 
XIXe 
siècle, à une juxtaposition de pièces de styles les plus variés. 
Si l’influence anglaise fut prédominante, les deux inté- 
rieurs envisagés reflètent néanmoins deux variantes et deux 
époques de l’Art Nouveau. La première tendance, florale et 
exubérante, inspira la maison Link. La seconde, plus sobre et 
géométrique, la villa Robur. 
La maison Link fut édifiée 10 rue du Curé, en 1903, par l’ar- 
chitecte Jean-Pierre Koenig (1870-1919), pour l’horloger-bi- 
joutier François 
Link1. 
Il s’agit d'un immeuble de rapport, 
avec cour intérieure, comportant deux appartements par 
étage. Il présente, côté rue du Curé, une sculpturale façade de 
grès rose ornée de lignes courbes et, côté place Guillaume II, 
une architecture souple plus sobre. 
L’inspiration naturelle – dont la stylisation fut encouragée par 
la mode du japonisme – fit se couvrir de fleurs le vitrail d’im- 
poste de la porte d’entrée donnant sur la place Guillaume 
II, ainsi que les carrelages des murs du couloir conduisant 
à la cage d’escalier. Ces carrelages, appliqués sous forme de 
lambris, contribuaient à la recherche de polychromie des bâ- 
timents et leurs motifs donnaient une valeur supplémentaire 
à la surface des murs. 
Pour leurs modèles, les créateurs puisèrent à l'envie dans des 
portfolios destinés aux 
artisans2, 
dans divers ouvrages tels 
Kunstformen der Natur de E. Haeckel, Etude de la plante, 
son application aux industries d’art de M. Verneuil,… ou en- 
core dans les revues d'arts décoratifs qui fleurirent à l'époque. 
L’esthétique de la ligne issue de la nature, ainsi largement 
diffusée, engendra le dessin de la rampe d’escalier. Celle-ci 
est constituée d’un superbe départ de bois travaillé à la façon 
Variations	sur	le	thème	de	l’Art	Nouveau	:		 
la	maison	Link	et	la	villa	Robur Conférence	de	Muriel	De	Groef,	historienne	de	l’art,	jeudi	24	novembre	2011	au	MNHA