32 Fouille de sauvetage d’une tombe à char celtique à Reuland Jeannot Metzler et Catherine Gaeng Les régions orientales du Grand-Duché de Luxembourg pré- sentent des paysages vallonnés composés surtout de marnes grasses du Keuper, dominées par des restes de couches gré- seuses appartenant au Lias. Les sommets de collines, qui sont constitués de sols gréseux pauvres, portent de nombreu- ses nécropoles de tertres funéraires datant de la Civilisation des Champs d’Urnes jusqu’au début de l’époque de La Tène. Plusieurs de ces nécropoles tumulaires sont très étendues et dépassent la centaine de tumuli. Vers l’ouest, ce paysage val- lonné est dominé par le plateau du Grès de Luxembourg à forte couverture forestière et découpé par des cours d’eaux encaissés entre des escarpements rocheux. Les nécropoles tumulaires y sont présentes également, mais sont de plus en plus clairsemées à l’ouest de la vallée de l’Alzette. Cette concentration de champs de tertres funéraires datant essentiellement de l’Âge du Fer appartient aux franges oc- cidentales de la civilisation de Hunsrück-Eifel. Celle-ci se caractérise par ses nombreuses sépultures privilégiées, dont beaucoup de tombes à char, datant du VIe au IVe siècle avant J.-C. L’analyse de ces rituels funéraires permet de reconsti- tuer une société composée de petites entités dominées par une aristocratie rurale ouverte au commerce avec le monde méditerranéen. Comme la plupart de ces champs de tertres funéraires au Luxembourg sont protégés par la couverture forestière, leur étude n’en est qu’à ses débuts. Jusqu’à présent, les rares fouilles programmées n’ont jamais concerné des nécropoles entières. Quelques tertres isolés ont été étudiés, notamment la tombe aristocratique d’Altrier avec son stamnos étrusque, sa fibule à masque et sa bague en or. Mais pour l’essentiel ce sont des sépultures touchées par la charrue ou, comme dans le cas de Flaxweiler, des tertres arasés dans le tracé de l’autoroute Luxembourg-Trèves qui ont fait l’objet de fouilles de sauvetage. C’est surtout dans des espaces défrichés depuis peu de temps que le risque de présence de tumuli arasés par les labours et donc peu reconnaissables est le plus grand. Tel était le cas au lieu-dit « op Koon », une hauteur qui domine le paysage environnant entre les villages de Reuland, Heffingen et God- brange (fig. 1). Sur le point culminant on percevait une légère élévation de quelque 30 cm de haut sur un diamètre assez régulier de 50 à 60 m (fig. 2). Comme le socle gréseux, signe d’une éventuelle butte naturelle, n’était apparent nulle part, une fouille préventive s’imposait. Dès le premier décapage de la couche des labours, il est apparu que les cerclages de roues d’un char celtique avaient déjà été accrochés par la charrue. La fouille fine a permis de mettre en évidence une tombe à char datant du début de l’époque de La Tène. Malgré la faible hauteur conservée – entre 5 et 15 cm – on peut affirmer que le mobilier est complet. La fosse funéraire avait une forme trapézoïdale d’une lon- gueur de 2,70 m pour une largeur de 2,20, respectivement 1,33 m (fig. 3-4). Elle n’avait été creusée qu’à une profondeur de quelque 20 cm dans le sol en place. La chambre funéraire dont elle était équipée dépassait donc dans les remblais du tumulus. Si l’on excepte quelques fibres ligneuses conservées sur le côté septentrional de la fosse surtout, les parois de la chambre funéraire avaient été complètement dissoutes par le sable environnant et les creux des planches comblés par de fines particules claires de sable fin et de Loess. La bonne conservation de ces traces dans le coin sud-ouest, attestait que la chambre funéraire avait été assemblée par des liaisons à mi-bois. Le sol en place, bien lissé, n’était pas recouvert d’un plancher en madriers et présentait un évidement de 15 cm de profondeur dans le tiers septentrional de la tombe pour accueillir les deux roues du char calé contre la paroi nord de la chambre funéraire. En effet, celui-ci n’avait pas été démon- té avant son placement dans la chambre funéraire, comme cela avait été le cas à Grosbous-Vichten, et l’on n’avait pas non plus creusé des rigoles pour le calage des roues, comme c’est la règle dans les tombes à char de Champagne ou du sud de la Belgique.