A partir de 1340, Guillaume, chanoine ä Reims, partage son activite entre les devoirs de sa charge et la composition d'oeuvres littéraires et musicales. I1 " sert " d'abord la fille du roi de Bohême, Bonne de Luxembourg, qui en 1332 a épousé Jean, duc de Normandie, futur Jean II, le Bon. Mais il n'est rien moins que sûr, comme on l'a longtemps affirmé, qu'il soit plus tard devenu sécrétaire du nouveau roi de France. A la mort de Bonne en 1349, Guillaume s'attache ä Charles le Mauvais, bientöt roi de Navarre. Il compose en son honneur le " Jugement dou Roy de Navarre ", de méme qu'il a célébré son premier mécéne dans le " Jugement dou Roy de Behaigne " ( Bohéme ). Les malheurs du Navarrais n'empéchent pas Guillaume de lui garder une longue fidélité ( " Confort d'Ami " ). Mais après 1357, soit par patriotisme, soit par souci de son inté- rêt, Guillaume quitte son protecteur pour les princes français, fils de Jean le Bon. Il fait de Jean, duc de Berry, le héros de " La Fonteinne Amoureuse "; il entretient des rapports suivis et amicaux avec Charles, duc de Normandie, futur Charles V . Plusieurs fois, il séjourne à la cour de celui qu'il nomme son " droit seigneur ", et il l'accueille dans sa maison canoniale, oà d'ailleurs il héberge volontiers les nobles personnages qui passent par Reims. Il assiste sans doute au sacre de Charles V ( 1364 ), mais on ne sait si sa fameuse " Messe de Notre- Dame " fut composée pour cette cérémonie. Guillaume de Machaut meurt en 1377. Quelques 37 manuscrits contenant soit des oeuvres musicales de Machaut, soit des pièces poétiques destinées à être mises en musique, sont connus. Un certain nombre de manuscrits ont été établis selon les indications de l'auteur lui-même; ils ont, bien entendu, pour nous une valeur particuliére. Quelques-uns étaient destinés à des personnages princiers et ont été ornés de miniatures précieuses. Guillaume peut être considéré comme le premier compositeur dont la personnalité se soit affirmée et qui ne soit pas simplement un chaî- non dans la laborieuse élaboration du langage musical. Sans doute, cette individualisation de l'artiste-créateur s'intensifiera singulière= ment au cours des siócles suivants et cette progression sera ininterrom- pue jusqu'à J.S. Bach, non pas tant, une fois encore,parce que sa personna- lité fut plus accusée ou plus remarquable que celle de certains de ses devancierB, mais parce qu'il fut le premier à disposer d'un langage entiérement accompli, capable de traduire tout ce que la musique peut prétendre exprimer.