doucement s’éclaircissent sous l’effet de l’aurore, et en voici d’autres dans lesquels s’approfondit le silence du crépuscule. Il se peut que le titre indique la réalité à laquelle l’artiste a fait allusion. Mais il arrive aussi que, se bornant à désigner l’accord de couleurs qui domine sur la toile, il n’apporte aucun éclaircissement, ne suggère aucune interprétation. Néanmoins, dans les deux cas, nous avons affaire au même genre de peinture, d’autant plus que nul titre n’est capable de cerner tout le contenu de ces oeuvres. Ce que les unes et les autres nous font découvrir en dernière analyse, ce sont des sen- sations et des sentiments transposés dans une création picturale, avec ce que cela implique de nouveau, d’imprévisible et d’ineffable. Quant à la sensibilité et à l’imagination qui déterminent la nature de cette création, elles sont fines et délicatement chaleureuses. Rien de dur chez Bissière, rien de lourd, rien d’orgueilleux non plus. Ce n’est point par hasard qu’il a cité «le petit frère d’Assise», dont il a d’ailleurs illustré le Cantique à notre frère Soleil par une série d’exaltantes gravures. Un lyrisme fervent et grave se matérialise dans ses oeuvres, mais on n’y trouve pas d’emphase et pas de cris. Même dans le Journal qu’il peint en 1962-64 après la mort de sa femme, Bissière exprime ses déchirements avec réserve, préférant aux éclats de voix qui se veulent bouleversants la parole murmurée qui s’insinue lentement dans notre âme.