PRESENTATION UOIQUE Pon ait pu les rattacher à l'Art «Francais», si les chapiteaux de Graville venaient seulement infirmer l’idée encore trop répandue de la seule vocation des artistes de la Normandie Romane pour le décor géométrique, ils seraient déjà dignes de retenir notre attention. Mais ils nous permettent aussi de reconnaître plus clairement les influences que subissaient les artistes normands à la fin du XI* siécle et surtout l'existence d'une tradition plastique dont l'art contemporain marque la puissance et la vitalité. Ces œuvres évoquent pour nous l’Art des Steppes, la plastique spatiale des Monnaies Gauloises, l’Art Barbare, les Chefs-d’œuvre de l’Art Mérovingien, l’Art Irlandais, l’Art Sassanide. Elles s’inspirent librement d’un vocabulaire de thèmes orientaux (animaux affrontés, monstres à demi humains, arbres de vie). Les pirates normands, originaires de Scandinavie, dont la baie de Graville abritait les « drakkars» dès le IXe siècle, n’avaient-ils pas eux-mêmes poussé leurs incursions jusqu’aux rives du Dnieper et Constantinople ? Les chapiteaux de Graville manifestent la synthèse d’influences orientales et barbares, témoignent d’une tradition artistique originale à notre pays et à la Normandie qui s’est nourrie d’arts élaborés au fond de l’Asie par des peuples nomades, survit à l’Art Antique et affirme le Génie Français. Peut-être sommes-nous, seulement aujourd’hui, prêts à en prendre conscience et à donner sa vraie valeur à ce courant permanent sou- terrain ou libéré. L’archéologie moderne a cessé de croire à une précise icono- graphie symbolique qui illuminerait d’une métaphysique permanente les œuvres des sculpteurs romans. Elle fait justement une plus grande place au respect de la personnalité de ces artistes, à leur liberté de créateurs, maîtres de leur fantaisie dans l’emploi des formes et d’un vocabulaire de signes. Il n’est pas besoin, en effet, de leur supposer un sens pour que s'expriment toute la valeur et l'importance de ces œuvres d’art. Au niveau de la plastique, elles suscitent l’admiration. Que la palme ait une valeur symbolique. Que tel oiseau soit un coq, une colombe, un paon, qu’ils puissent vouloir «signifier», ce sont surtout des signes plastiques que l'artiste a utilisés avec science et sensibilité.